Premier film de l'unique et très particulier Terrence Malick, " La Balade sauvage " est une véritable ode à l’indifférenciation et à l'erreur de jeunesse. Sorti il y a 40 ans, ce film n'a rien perdu de sa splendeur, concevant toute sa puissance, sa froideur. La première chose qui nous frappe, c'est en effet la force qui se dégage de cette œuvre, au scénario pourtant simple (un voyou part vivre la grande aventure avec une minette naïve, multipliant les meurtres). Terrence Malick a le chic pour mettre en exergue la folie brute des personnage. Sa mise en scène virtuose parvient à saisir les instants phares en leur donnant un sens, une identité, un cachet. C'est ici la froideur qui enveloppe l’intégralité de l’œuvre. Une froideur maitrisée, totalement volontaire, diaboliquement efficace, qui confère à ce road-movie sanglant mais insouciant une poésie glacée et éthérée , à mi chemin entre la mélancolie, la folie et le bonheur. S'inspirant d'une histoire vraie, le film se focalise sur Kit, sur sa douce folie lui faisant perdre toute notion de rationalité, de réalisme. Martin Sheen nous livre là une prestation très convaincante, celle d'un jeune pommé, enfermé dans son monde, indifférent à la violence qu'il sème sans même s'en rendre compte ou presque. Sissy Spacek est excellente elle aussi,naïve et perdue, tiraillée entre ses sentiments et ses illusions de gamine. À travers leur fugue vagabonde, le film nous livre le portrait de deux âmes perdues dans leur monde à eux, un monde cul-de-sac, entre démence et harmonie; et cette recherche perpétuelle de l'amour, du bonheur. Inaltérable et inaccessible. L'empreinte Malickienne est déjà flagrante : rythme lent, passages contemplatifs (de magnifiques instants natures -faune et flore -) alternant avec des instants furieux, violents, crus; le tout filmé de manière majestueuse (caméra très calculée et léchée, musique évasive). Et cette ambiance froide, impalpable, presque crapuleuse (Malick est un fervent chrétien). Tous les ingrédients propres à Malick, qui rendent ses œuvres si attirantes et dérangeantes à la fois. "La balade sauvage" est, comme son nom l'indique, une œuvre indomptable, psychologiquement forte, magnifiquement interprétée et mise en scène. Un fragment de l’Amérique, une vision honorable de la désolation comportementale. Brillant.