Dans un monde sans réponse, la croyance ne peut être que la seule vérité.
Ce message, c'est celui du chef d'oeuvre télévisuel qu'est la série The Leftovers :
Alors que 2% de la population a subitement disparu, voilà que nous suivons les 98% restants, survivants malgré eux d'une catastrophe mystérieuse, désastre humain et spirituel qu'ils ne comprendront jamais vraiment... et le spectateur non plus.
Car là n'est pas le sujet.. La poésie réside dans le formidable frisson d'un mystère qui ne saurait être résolu.
Ce message, c'est également celui que reçoit le spectateur à la fin du film Contact de Zemeckis. Car finalement, que savons-nous du monde qui nous entoure, de cet univers qui palpite en silence, perdu dans l’immensité, à l'interstice des pulsars ? Beaucoup de choses apparemment... Mais plus important : avez-vous la foi ?
Contact est un film couillu, il faut l'admettre. Oser nous faire un si grand sourire après s'être pris à ce point les pieds dans le tapis au sujet de sa thématique principale : il faut le faire. Mais la couillitude n'est pas le palliatif a la connerie. Y voir de la connerie est encore la réponse la plus satisfaisante... D'autres théories pourraient évidement fleurir ici et là dans l'esprit du spectateur, mais elles sous-entendraient une manipulation consciente du public, de la part de producteurs terrorisés à l'idée de froisser un public américain complaisant à l'égard des pires dérives philosophiques et politiques de sa chrétienté made in USA... et nous n'avons pas envie de ça.
Contact danse en effet sur un terrain miné, celui de l'opposition science/foi, nous dépeignant des personnages partagés entre rationalité absolue et spiritualité fantasmatique. Et alors que l'humanité entre en contact avec une civilisation extra-terrestre : lequel de ces deux positionnement s’avérera être le bon ? Un débat sans fin, que le film se refuse de trancher. Parce que tout le monde a raison, c'est bien connu.
Entendons-nous bien, je ne reproche pas au film de prôner un discours de foi. Un peu de spiritualité ne fait jamais de mal. Ce qui pose davantage problème, me révolte en fait, c'est le contexte scénaristique dans lequel ce message s'inscrit...
Si la science ne peut mettre fin au Doute, elle a au moins le mérite d'éclairer les zones d'ombre où celui-ci n'est plus permis. Comme le disait Jean-Paul II à Stephen Hawking "Après le big bang c'est votre affaire, mais ce qui se passe avant : c'est la nôtre." Et ça, Contact en est parfaitement conscient. C'est d'ailleurs la raison principale pour laquelle il consacre autant de temps à dépeindre cette rivalité philosophique entre les des deux protagonistes, fanatiques chacun à leur manière, faisant tous deux preuve d'une certaine mauvaise foi (lol) envers les arguments de leur comparse amoureux. Cet amour survivra-t-il à la découverte de la vérité ? Oui. Car tout le monde a raison.
Même si l'un des deux a tord.
Alors que le film se termine, et que la rencontre entre Elie et les Aliens s'opère, il se trouve qu'aucune preuve ne permet d'étayer sa version des événements auprès de qui que ce soit. Elle-même femme de science, elle se voit forcer d'admettre la probabilité que les événement qu'elle relate n'aient pas eu lieu... même si elle se refuse à croire que tout ça ne soit que le fruit de son imagination. Mais donc, en l’absence de preuve : faut-il la croire ? Hum... Vaste question que la fin du film dessine, semblant nous laisser (non sans ironie) avec la nécessité de croire plutôt que savoir...
SAUF QUE, le rapport établit par la sécurité nationale (présenté au spectateur dans l’épilogue du film) relate des éléments qui accréditent la version d’Elie... Donc des preuves, IL Y EN A. Mais on ne les lui donne pas, ni à elle ni au monde... Car il n'y a rien de plus beau que de ne pas savoir n'est-ce pas ?
Et voilà notre belle scientifique perdue dans le désert, amoureuse de son théologien, se questionnant sur son fanatisme passé : que c'est beau de croire... "Ce qui compte c'est de trouver sa propre réponse", comme elle le dit toute enjouée à cet enfant qui se passionne, lui aussi, pour la poésie des étoiles...
Là encore, même en écrivant ces lignes : je doute. Est-ce que le film a conscience de la gravité de son message, de l'insulte qu'il envoie à son spectateur ? A-t-il conscience d'avoir passé toute son intrigue à dépeindre la majorité des religieux comme des fanatiques idiots et dangereux (qui vont jusqu'à l'attentat tout de même), pour finalement donner raison à la nécessité de leur foi : en leur mentant ? A-t-il conscience d'avoir poussé son personnage principale à renier sa propre vision du monde, littéralement la forcer à croire : en lui mentant ? Ce film a-t-il conscience qu'il est une insulte intellectuelle à tous les croyants, et à tous les sceptiques de ce monde ?
(il faut le faire tout de même)
Zemeckis lui-même en a-t-il conscience, lorsqu'il déploie toute cette virtuosité formelle (magnifiques, les plans et les mouvements de caméra sont magnifiques) pour nous conter cette histoire remplie de scènes brillantes, en particulier celle de la réception du signal, moment de grâce du film ?
Le doute reste permis... Mais une chose, elle, est certaine : je ne me laisserai pas impunément traiter de mouton.