Un film fort, au rythme très lancinant, une peu lent , mais pourtant très émouvant. Construit sur 3 niveaux : il y a tout d’abord ce couple qui se dilue, petit à petit, Bulle Ogier et Kalfon : il est metteur en scène de théâtre , et adapte "Andromaque" . Elle est actrice, prévue au casting, mais refuse au dernier moment de jouer dans la pièce. De ce fait Kalfon fait appel à une ancienne maîtresse pour la remplacer, ce qui va entraîner un conflit, puis la destruction du couple. Un nouvel amour naît grâce à la pièce pendant les répétitions. Celles-ci sont filmées par une équipe de télévision, venue au départ filmer la technicité théâtrale. Ces trois niveaux créent un effet de miroir, car c’est finalement l’équipe de TV, qui va révéler l’amour naissant. Le personnage de Bulle Ogier souffre, car elle sait que la passion de son homme pour le théâtre, puis pour son actrice principale l’emporte à tout jamais. Lui ne s’en rend pas compte, car il est metteur en scène, mais pas « acteur » de l’émotion qu’il ressent. C’est très astucieux dans la construction dramatique. Beaucoup d’humour aussi, avec Kalfon qui s’amuse avec un pistolet le proposant à Ogier suicidaire, puis jouant avec l’arme lui même. L ‘ équipe de TV questionne de plus en plus la troupe sur le drame amoureux « off scène », faisant une sorte de psychanalyse live. Les comédiens sont incommodés par cet œil intrusif, violant leur intimité. Cela crée une distanciation par rapport au drame. Bulle Ogier en beauté diaphane, évanescente est excellente, mais sa rivale Martha pleine de force et d’assurance qui sait qu’elle embarque à nouveau Kalfon avec elle, très bien jouée par la très belle actrice Josee Destoop que l’on reverra très peu au cinéma, hormis un beau film d’ Alain Tanner « Retour d’ Afrique » . Mais Kalfon ne veut pas perdre non plus Ogier, quand elle lui annonce qu’elle le quitte, car elle ne ressent plus d’amour, il y a cette scène d’anthologie de 15 mn , ou il découpe tous ses vêtements au rasoir puis au ciseau, comme pour se mutiler , comme pour détruire cet amour qu’il ne sait pas garder. C’est très émouvant, très perturbant aussi. Il nous découvre sa fragilité. C’est un amour fou, destructeur. Elle essayera de le tromper pour se « guérir », mais n’y arrive pas ...On est bien dans les années « baba-cool » et dans la dernière partie le film est rempli de « happening » ou Kalfon et Ogier sont filmés en longs plans fixes et laisse libre court à leur créativité : un beau plan ou le couple est au lit et dessine sur le mur des profils de leur personnages , très « Picasso », puis découpent le papier peint. Pendant ce temps Kalfon se glisse sous les draps et lui prodigue une caresse buccale. Tout cela est très surréaliste. Réfugié dans un hôtel pour se ressourcer et bâtir leur amour, ils découpent à la hache un pan de mur, puis explose une vieille TV au tube cathodique en live. Leur amour est « fou », libéré et un peu destructeur. Le film est beau , profond, une sorte de long oratorio /happening, créant un style cinématographique unique, au rythme envoûtant où l’on ne voit pas passer les 4 heures. Le film doit beaucoup aux très bonnes impros de Kalfon/Ogier (vrai couple à la ville à cette époque), qui démontre une vraie intimité et complicité. A noter aussi la participation de la très belle Madly Bamy , qui fera un peu de cinéma , rencontrera Jacques Brel sur le tournage des « Aventuriers » et deviendra sa compagne dans son exil aux iles Marquises. Un beau film, pièce unique, une des tendances de la Nouvelle Vague, pour un des membres fondateur des « Cahiers du cinéma ».