Deep End, réalisé par le cinéaste polonais Jerzy Skolimowski pendant sa période britannique, est un film mythique. C'est un des plus beaux films jamais réalisés sur l'adolescence et ce qu'elle charrie d'obsession et de fantasme.
Dans un quartier populaire de Londres, Mike, 15 ans, est engagé comme garçon de bain dans des bains publics ; il va développer une fixation amoureuse sur sa collègue, une jeune femme un peu plus âgée que lui.
Deep End est d'abord un grand film d'ambiance, qui recrée de manière originale l'atmosphère des années 60, dans une vision troublante, à la fois étouffante et glauque, en tous cas extrêmement saisissante. C'est la grande réussite de Skolimowski, servi en cela par la BO de Cat Stevens, qui enregistra spécialement une version de 'But I might die tonight' ; pour qualifier le film, 'immersif', comme on dit des jeux vidéo, est plus juste que 'captivant' : la trame dramatique est légère, et pourtant tout cela se termine bien trop tôt.
Il y a quelque chose de haletant dans la poursuite de son obsession par Mike, d'oppressant aussi. Le spectateur n'échappe pas à une sensation très particulière d'enfermement ; la tonalité générale est sombre, mais le film n'est pas dénué de moments d'humour et de légèreté, une ambivalence parfaitement rendue par l'interprétation nuancée des deux acteurs principaux. La passion un rien dérangée du garçon pour sa collègue est en outre servie par une caméra subtile, élégante tout en étant discrète, un symbolisme puissant enfin (les riches métaphores aquatiques du fantasme).
Pour finir, quand j'ai vu Deep End pour la première fois il y a plus de six ans, je l'ai trouvé bouleversant. Skolimowski a signé là un film d'une grande richesse, son plus grand peut-être, en tous cas une oeuvre magnifique. Un film dont le mythe est renforcé par le fait qu'on ne le trouve nulle part ; jamais réédité en DVD, il faut se jeter sur de vieilles VHS, ou se précipiter au ciné-club dès qu'il passe. Un film trop rare.