Lucian Pintilié est un cinéaste politique. A ce titre, et suite aux bouleversements qu'a connu son pays en 1989, il a trouvé un regain d'attention internationale avec "Le chêne", tourné en 1992. Description sans concession, quasi documentaire, de l'état de la Roumanie après l'ère Ceausescu, ce film a marqué les esprits par sa liberté de filmer. Ensuite, « Un été inoubliable » (1994), adapté d'une nouvelle de Dimitriu, fustigeait le caractère inéluctable de la dérive des Balkans. Avec « Trop tard », Pintilié revient à la contemporanéité du "Chêne" et situe son film en 1991, époque à laquelle la Roumanie a connu de graves manifestations contre le pouvoir en place. Pour éviter de tomber dans un didactisme trop proche du documentaire, un pamphlet cinématographique se doit d'apporter, par un traitement original du sujet, une distance suffisante par rapport aux faits. La référence dans ce domaine est sans conteste J.L. Godard qui, par son approche audacieuse de l'actualité, montre ce que d'autres assènent. Pintilié, quand à lui, nous mène sur plusieurs fausses pistes et nous oblige à nous intéresser à une intrigue policière qui, visiblement, ne le passionne pas. Ce manque de relief de lhistoire lui permet d'attirer notre attention sur certaines scènes à première vue anodines. A travers elles, il nous invite à réfléchir. Ainsi, les jeunes musiciens envoyés chez les "gueules noires", le mariage en hélicoptère ou la présence de cocotiers sur les posters de la topographe sont des moments emprunts dune discrète ironie. Ils en disent plus sur le désordre du pays que les cours d'histoire. Le film n'est pas toujours à la hauteur de ces moments et la parabole finale sur l'asservissement des mineurs (le coupable est un mineur retourné à l'état sauvage) est peu convaincante. Intéressant sous plus d'un angle, le film n'est cependant pas à la hauteur du "Chêne" , leffet de surprise ayant disparu.