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soniadidierkmurgia
1 177 abonnés
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4,0
Publiée le 3 février 2019
Peter Bogdanovich est un réalisateur qui à l'image d'un Martin Scorsese ou d'un Bertrand Tavernier a toujours été très impliqué dans la vulgarisation, la conservation et la transmission du patrimoine historique de son art. Ses débuts comme critique l'ont amené à fréquenter de près les grands anciens en retraite ou préretraite comme John Ford, Howard Hawks, Allan Dwan, Orson Welles et bien d'autres avant qu'ils ne tirent leur révérence (deux livres d'entretiens passionnants ont été édités en 2017 et 2018). Pas étonnant dès lors qu'il ait souhaité au sommet de sa période créatrice rendre un hommage vibrant à la Mecque du cinéma, poussée comme un champignon en plein milieu du désert californien à l'orée des années 1910. Mais il vient juste de connaitre ses deux premiers échecs avec "Daisy Miller" (1974) et "Enfin l'amour" (1975) et de ce fait a un peu décroché du "Nouvel Hollywood" dont il était l'un des fers de lance aux côtés des Martin Scorsese, Francis Ford Coppola, Steven Spielberg ou Brian de Palma malgré son style différent, plus axé sur l'expression d'une nostalgie teintée de poésie. Son nouveau projet sera donc plus modeste (8 millions de dollars) qu'il aurait pu l'espérer au moment où "La dernière séance" (1971) l'avait propulsé sur le devant de la scène. "Nickelodeon" dont il a écrit lui-même le scénario (avec W.D Richter) porte le nom des petites salles dans lesquelles les spectateurs pénétraient en franchissant un tourniquet (odeon) à l'aide d'une pièce de 5 cents (nickel). C'est grâce à l'exploitation à grande échelle de ces fameux "nickelodeon" que des émigrés comme Carl Laemme, William Fox ou Marcus Loew devinrent à partir des années 1920 les patrons des grands studios dès lors renommés "moguls". Bogdanovich considère que c'est à partir de la sortie de "Naissance d'une nation" de DW Griffith, le 8 février 1915 que le cinéma proposant des films plus longs dans des salles plus grandes et confortables devint un art. Son film couvre donc la période allant de 1910 à 1915, celle de l'innocence qui fait encore la part belle à l'insouciance et à l'amateurisme, thème récurrent de son œuvre. Rien de plus efficace dans cette optique que d'imprimer à "Nickelodeon" la même tonalité que celle complètement loufoque et débridée qui habitait les splasticks de Mack Sennett qui faisaient fureur à l'époque. Aidé de Laszlo Kovacs son chef opérateur habituel, Bogdanovich envisage la projection en noir et blanc ce qui lui sera refusé par les studios qui jugent le procédé trop hasardeux commercialement. Le film sera malgré tout un échec financier dont la carrière de l'ex-jeune prodige de "The Last Picture Show" ne se remettra jamais réellement. La version restaurée par Peter Bogdanovich lui-même qui est sortie en B-Ray rend toutefois justice à la démarche certes parfois maladroite mais aussi souvent poétique et toujours sincère qui anime le film. Ryan'O Neal et Burt Reynolds sont à la hauteur de l'exercice difficile demandé par Bogdanovich qui consiste à débiter des dialogues tout en effectuant les pitreries qu'effectuaient à l'époque les Chaplin, Lloyd, Turpin, Arbuckle ou Keaton. Si l'on se laisse prendre au jeu, ce qui n'est pas évident il faut bien l'admettre tant le film peut dérouter par sa structure narrative, on peut admirer le regard aiguisé du réalisateur qui montre très bien comment tout ce petit monde a construit tout en marchant les différents métiers qui ont fait du cinéma une industrie en même tant qu'un art. On peut regretter qu'Orson Welles qui devait jouer le rôle du producteur (remplacé par Brian Keith) n'ait pu être présent, le film aurait alors sans doute pris une autre dimension grâce à la figure rabelaisienne du génial acteur. Les cinéphiles à qui le film est aujourd'hui essentiellement destiné remarqueront les hommages rendus à certains chefs d'œuvre du muet postérieurs à l'époque retracée par le film comme la scène ou Ryan'O Neal se laisse porter par les roues d'une locomotive à vapeur tel le Buster Keaton songeur du "Mécano de la General" (1926). Les moins férus de septième art pourront se consoler en admirant la beauté gracile de Jane Hitchcock, ancien mannequin remplaçant pour l'occasion Cybill Sheperd.
Avec "What's Up Doc?", Peter Bogdanovich avait voulu rendre hommage à la Screwball Comedy et surtout à son chef d'oeuvre absolu "L'Impossible Monsieur Bébé", et c'était raté. Là, il a voulu rendre hommage aux débuts particuliers de cet art unique et à ses pionniers Griffith, Ford, Sennett, Walsh, Dwan, etc... J'aurais bien voulu que ce soit réussi mais ce n'est pas du tout le cas. C'est un hommage sincère mais c'est raté. Rien à reprocher à la mise en scène en particulier, les décors, les costumes, la photo, tout est impeccable de ce point de vue là. Mais soit on a le "truc" pour être un grand réalisateur de comédie soit on l'a pas. Et Peter Bogdanovich ne l'a pas. Parfois on peut décrocher un ou deux sourires mais on ne rigole pas. Quand aux acteurs, ils sont charismatiques mais ils ne sont pas faits non plus pour le genre très difficile de la comédie. C'est vraiment dommage surtout que le scénario ou plutôt l'idée scénaristique était excellente. Vraiment vraiment dommage car avec un autre réalisateur et une autre distribution, on aurait pu avoir une grande réussite.
Excellent réalisateur et grand connaisseur de l'histoire du cinéma, Bogdanovich était parfaitement à sa place pour conter cette période 1910-1915 où fit rage, aux Etats-Unis, la "guerre des brevets" qui opposait studios officiels et indépendants. Il le fait en rendant hommage aux pionniers du 7ème art, dans une aventure loufoque et déjantée, sorte de slapstick moderne. Ryan O'Neal et Burt Reynolds, très complémentaires, s'y illustrent sous les yeux de l'exquise Tatum O'Neal.
Pas le meilleur Bogdanovich même si le début de "Nickelodeon" est particulièrement agréable, instillant un suspens qui donne envie d'en voir davantage. Le récit s'enlise au bout d'une heure, répétant quelque peu des ressorts burlesques ou dramatiques utilisés en boucle. D'autre part, ni Ryan O'Neal ni Burt Reynolds, malgré leur indéniable charisme, ne sont d'assez bons comédiens pour captiver le spectateur et le mener avec entrain vers une fin décousue. En revanche, la jeune Tatum, retrouvant son père après l'excellent "Paper Moon", apporte toujours autant de fraîcheur et de personnalité.
Ce film est totalement réservé aux cinéphiles et seulement aux cinéphiles aimant le genre burlesque dans sa globalité. Ceux qui n'aiment que le burlesque de Buster Keaton doivent s'abstenir. Il est truffé de références même à John Ford qui pourtant en 1915 n'avait pas encore tourné ,ce que je trouve quand même un peu gênant. Le nombre de chutes est impressionnant ,heureusement il n'y a jamais de blessés mais seulement quelques vestes décousues et quelques bas de pantalons déchiquetés par un étonnant petit chien. L'histoire se passe entre les années 1900 et 1915 et derrière le gros comique on sent bien la guerre que menaient les grandes compagnies au cinéma indépendant. Un hommage appuyé et émouvant est rendu à David Wark Griffith à travers son film ''Naissance d'une nation'',la salle de cinéma est magnifique et l'orchestre digne d'un opéra. C'est un film qui m'a beaucoup touché par l'amour du cinéma qu'il dégage mais je ne suis pas certain qu'il plaise à tous. De toutes façon sa distribution est vraiment restreinte.