"Evil Dead" est définitivement une saga à part. Après un premier opus très premier degré dans son approche de l’horreur et une suite beaucoup plus burlesque et ionisante qui avait imposé le personnage d’Ash comme l’idole de toute une génération, Sam Raimi nous propose un troisième épisode à la limite de la parodie, où il s’autorise à peu près tout et n’importe quoi. En effet, non content d’enfoncer (très loin !) le clou de l’humour qui vient totalement supplanter l’horreur (le film n’est absolument pas effrayant et ne veut, d’ailleurs pas l’être !), "Evil Dead 3 : l’armée des ténèbres" se permet de totalement changer de décor, de modifier (une fois de plus et pour les mêmes obscurs raisons de droits !) les événements de l’opus précédent et de transformer son héros Ash Williams en gag-man adepte de la réplique qui tue et souffrant d’à peu près tous les défauts imaginables (menteur, manipulateur, gaffeur, veule…). Exit, donc, la nuit d’angoisse dans la cabane isolée au fin fond des bois qui est remplacée, ici, par l’époque médiévale où les chevaliers du Roi Arthur affrontent des démons ailés et des squelettes belliqueux ! Le pitch annonce, donc, la couleur… et l’évolution du scénario est du même tonneau. En effet, ce brave Ash (irremplaçable Bruce Campbell, meilleur d’épisode en épisode) va être confronté à une mini-armée de lilliputiens à son image et, surtout, à son double maléfique (Evil Ash pour les fans hardcore) ! Le scénario est, donc, un très grand moment de n’importe quoi que Sam Raimi gonfle à l’humour frontal, essentiellement basée sur le décalage existant entre les codes de la chevalerie médiévale et le caractère pas très chevaleresque, ni très courageux d’Ash. On est très loin du héros typique et ce sont, d’ailleurs, les défauts du personnage qui font son intérêt
(voir la scène où il s’énerve qu’on puisse penser qu’il ne peut pas retenir trois mots… puis sa justification quand il admet qu’il en a peut-être changé un ou deux)
. Ses répliques sont, également, beaucoup plus travaillées (et décalées) que dans les deux précédents épisodes
(ah la description de son fusil, ponctuée d’un "chez Prix-bas, les prix sont bas ! ")
. Le personnage est, donc, définitivement iconisé dans ce troisième opus et s’avère être, sans surprise, l’attraction principale de ce troisième opus qui, étonnement, apporte une véritable fraîcheur à la saga puisque, outre le changement de décor et de ton, on a droit à de nouveaux axes scénaristiques,
à savoir la quête d’Ash pour rentrer chez lui et son implication dans le conflit avec l’Armée des ténèbres (ce qui suppose un altruisme auquel il nous avait peu habitué)
. Mais Ash n’est pas la seule raison de s’enthousiasmer pour ce grand bordel cinématographique. En effet, après avoir démontrer qu’il savait insuffler de l’humour dans un récit pas forcément propice à la rigolade, Sam Raimi réussit à nous faire franchement marrer grâce, notamment, au grand méchant du film et à son Armée de squelettes aux préoccupations très "terre à terre" et aux dialogues invraisemblables. Les effets spéciaux, qui ne sont pas sans rappeler le travail de Ray Harryhausen (on pense forcément à "Jason et les Argonautes"), viennent crédibiliser définitivement ces séquences plus drôles qu’effrayantes, donc… et c’est tant mieux ! Enfin, Sam Raimi confirme qu’il sait trouver des looks assez incroyables (voir Evil Ash après son premier affrontement avec le "gentil" Ash), qu’il sait conclure ses films
(voir l’excellente scène finale chez Prix-Bas !)
et qu’il n’est pas manchot avec une caméra. Pour autant, aussi rafraîchissant que soit ce troisième opus (qui est, pour moi, le meilleur de la saga à défaut d’en être le plus représentatif), j’ai tout de même trouvé que Raimi poussait, un peu loin, le traitement cartoonesque, au point de totalement perdre de vue l’essence même du premier opus (avec lequel le film n’a que très peu de lien). On se croirait, par moment, dans un dessin animé à la Tex Avery… ce qui n’est pas désagréable en soi mais qui perturbe par moments et, surtout, prive la saga d’une vraie cohérence. C’est, également, ce qui fait sa différence… mais c’est aussi ce qui m’empêche d’être vraiment emballé par cette trilogie, définitivement atypique.