« Recommencez jamais à me raconter vos sales maudites calomnies sur votre Russie. Je veux continuer à croire à la mienne, moi !»
Luigi Comencini… On peut se demander comment les producteurs de la série des Don Camillo, en déclin progressif depuis le premier volet, ont eu l’idée de débaucher le réalisateur de deux épisodes de la série de films « Pain, Amour, etc. » mais aussi, et surtout, des fabuleux « L’Argent de la vieille » et « La Bohème », sans oublier la mini-série « Pinocchio », celle-là même qui a bercé mon enfance et placé Gina Lollobrigida au rang des fées qu’on voudrait voir pencher soi plus souvent.
Pouf pouf.
Au fond, tenter de relancer une licence initialement développée en partenariat entre la France et l’Italie en engageant un orfèvre ès comédies populaires italiennes, ayant grandi en France, l’idée se tient. Voyons jusqu’où…
Même si ce cinquième film est réalisé après Don Camillo Monseigneur, l’action se déroule avant : Peppone est toujours maire et Don Camillo toujours curé ; tous deux n’ont pas été vieillis, au contraire du volet précédent. La coexistence pacifique est, elle, toujours d’actualité, non plus figurée par les Etats-Unis et l’URSS mais par Khrouchtchev et Paul VI. On notera le clin d’oeil, volontaire ou non, au Nekrassov de Sartre.
Si l’ancrage dans l’histoire était déjà un élément nouveau dans l’épisode précédent, particulièrement réactionnaire (la place des femmes et la laïcité), la caméra professionnelle de Comencini rompt avec l’immobilisme des deux épisodes réalisés par Carmine Gallone, eux-mêmes plagiant le style sombre des deux premiers volets réalisés par Julien Duvivier. Autant dire qu’on passe d’un trait de 1953 à 1965, quasiment une génération en terme de cinématographie. A ce niveau, l’irruption des travellings, des contre-plongées et de la lumière artificielle dans le noir et blanc tranche avec le réalisme statique des quatre premiers films. Au-delà de la caméra, il y a également le style de Comencini qui redonne des couleurs à une licence en perte de vitesse : les deux premiers épisodes étaient franco-italiens, les deux suivants une pâle copie de ceux-ci, enfin ce cinquième est proprement italien, presque comencinien ; on y retrouve la saveur des comédies légères et sociales du maître lombardo-aquitain et le côté touchant des deux premiers volets.
De la série, puisque ce dernier volet en est la fin, on peut dire que :
- Gino Cervi fut un grand acteur, hélas trop mal utilisé,
- Fernandel mérite sa place au Panthéon du cinéma français (et franco-italien).
- Don Camillo est un gros réac qui n’hésite pas un instant à faire de la récupération politique.
- D’une œuvre anti-communiste, les réalisateurs et scénaristes des différents épisodes ont fait une œuvre finalement très indulgente pour les communistes (rappelons que les communistes italiens étaient traditionnellement beaucoup plus proches de la gauche actuelle que des staliniens français).
- Sans une vue d’ensemble, il ne faut jamais, JAMAIS, faire de suite à un film qui contient en lui toute la poésie et tout le charme d’une œuvre passée
- L’accent provençal est parfait pour camper l’accent des plaines émiliennes.
- La veine dialoguiste de Barjavel s’essouffle d’épisode en épisode, avec comme révélateur les échanges entre Don Camillo et le Christ, percutants dans le premier opus, complètement anecdotiques dans ce dernier.
- La qualité des épisodes suit inexorablement leur succès au box-office… sauf peut-être pour ce dernier épisode.