Après l’échec d’Alice au pays des merveilles, deux ans plus tôt, les studios Disney tentent une nouvelle fois d’adapter une œuvre récente de la littérature jeunesse : Peter Pan, une pièce de théâtre écrite par J. M. Barrie en 1904.
Plusieurs tentatives d’adaptations sont à dénombrer avant celle de Disney, dont un film muet, en 1924, et un court-métrage d’animation, en 1925. Mais c’est durant son enfance, entre les années 1906 et 1910, que Walt Disney découvre l’univers de Peter Pan, après avoir cassé sa tirelire pour assister à une représentation de la pièce. Quelques années plus tard, il joue même le rôle-titre dans une pièce jouée à son école. Le projet de long-métrage, quant à lui, débute en 1935, mais ce n’est qu’en 1939 que Disney obtient les droits d’adaptation, rachetés au studio Paramount Pictures, pour produire un film d’animation.
Toutefois, le projet est lancé dès 1938, avec des esquisses de la fée Clochette. En février 1940, alors que Fantasia est en cours de production, le scénario de Peter Pan est en train d’être élaboré. Mais en 1941, au même titre que Cendrillon et Alice au pays des merveilles, le projet est interrompu en raison des conséquences financières de la Seconde Guerre mondiale, même si, officieusement, plusieurs rumeurs prétendent que la production continue en coulisses.
En 1943, le budget du film atteint déjà les 200 000 dollars (un montant énorme en comparaison des 15 000 dollars au même stade de production pour Alice au pays des merveilles). Un premier scénario, qui présente un Peter Pan trop malveillant, est abandonné. Malgré une sortie annoncée et prévue par Walt Disney pour 1948, une importante vague de licenciement et l’interruption de plusieurs productions en 1946 repoussent une nouvelle fois la finalisation du film. L’année suivante, la priorité est mise sur la sortie de Cendrillon, malgré un travail déjà bien avancé pour Peter Pan. Au début de l’année 1948, Walt Disney et son frère Roy connaissent un désaccord financier qui implique notamment Peter Pan. Le second n’est pas convaincu par l’intérêt du projet et souhaiterait l’abandonner, tout comme Alice au pays des merveilles, mais c’est bien le premier qui obtient gain de cause.
La production du film reprend en 1949, avec des changements sur le scénario. Mais au tout début des années 1950, Walt Disney se désintéresse progressivement de la production de longs-métrages d’animation, au profit de la construction du parc d’attractions Disneyland, en Californie, mais également d’autres projets cinématographiques. De plus, l’adaptation de la pièce rencontre plusieurs obstacles, dont la multitude de personnages de l’œuvre originale, une difficulté déjà rencontrée lors de la production d’Alice au pays des merveilles.
En conséquence d’une adaptation plus compliquée que prévu, le développement du projet entraine des changements majeurs par rapport à la pièce de théâtre de 1904 : des dialogues absents du livre, un caractère masculin accentué pour Peter Pan, le Crocodile matérialisé alors qu’il n’est pas visible dans l’œuvre originale, une scène de résurrection de la fée Clochette supprimée, etc.
Comme il l’a fait pour Alice au pays des merveilles, le studio produit une émission télévisée pour faire la promotion de la sortie de Peter Pan : The Walt Disney Christmas Show, le 25 décembre 1951, qui a également promu la ressortie de Blanche-Neige et les Sept Nains. De plus, depuis 1950 et le changement de stratégie commerciale opérée par Disney, une vaste et importante campagne de promotion basée sur les produits dérivés est lancée, dont le beurre d’arachide Peter Pan de la marque Derby Foods.
Après plusieurs années de travail, la première projection du film a lieu à New-York, le 5 février 1953. Avec un budget de quatre millions de dollars, qui s’explique par la durée de production et les innovations techniques, Peter Pan bat le record de trois millions de dollars détenu par Alice au pays des merveilles. Et finalement, malgré des critiques sur la représentation sexualisée de la fée Clochette aux allures de Marilyn Monroe et les stéréotypes sur les Amérindiens similaires à leur représentation plus tardive avec John Ford, le succès du film est immédiat, encensé aussi bien par le public que par la presse, à tel point que Peter Pan atteint rapidement les 25 millions de dollars de recettes, un montant supérieur à Alice au pays des merveilles. Et il faut reconnaître que cette notoriété est méritée. Reprenant les classiques qui ont fait son succès, dont la présence d’un méchant charismatique, Crochet, et la féérie d’un monde merveilleux et enchanté, Disney réussit à retranscrire fidèlement l’atmosphère de l’œuvre originale, en usant d’une animation dynamique aux couleurs vives et chatoyantes. La quête de vengeance du capitaine Crochet maintient un certain suspens et la personnalité colérique mais dévouée de la fée Clochette font de ce personnage l’un des mieux développé du film.