L'ambiance dans laquelle baigne "Nénette et Bonni" rappelle celle de "Bye bye", autre film situé dans la banlieue marseillaise. La présence constante d'un climat ensoleillé et la prédominance de la couleur bleue donnent aux deux films une chaleur, une tendresse, qui contraste avec le tourment et la passion exacerbée des personnages. Dans le film de Clair Denis, les gros plans sur les visages et le dénuement de l'intrigue donne une tonalité plus dramatique, plus sèche, aux évènements. La réalisatrice a choisi de montrer les êtres dans leur réalité brute pour enlever à l'histoire tout aspect mélodramatique ou romancé. Elle travaille avec des acteurs expressifs, prêts à se livrer complètement, pour interpréter des sentiments avant de créer des personnages. Ainsi en atteste le choix des surnoms enfantins que sont Nénette et Bonni. Nénette est la femme-enfant et bientôt la fille-mère. Bonni, son frère, chez qui elle va chercher refuge pour échapper au père, est un caracteriel qui cache son bon coeur derrière une attitude revêche. Nénette et Bonni, ce sont aussi des surnoms qui dénottent l'immaturité, l'incapacité à s'adapter au monde des adultes. De la rencontre forcée de ces deux adolescents naît une sorte de renaissance, une démarche de compréhension salvatrice. Après de multiples coups de gueules, Bonni finit par accepter la présence de sa soeur et même, sans que cela soit explicite, à l'aprécier. La fin du film ressemble un peu à une fable, à un pied de nez au destin. Laissée en suspens sur le visage emerveillé de Bonni qui a "volé" le bébé de sa soeur à l'assistance publique, elle n'est ni optimiste ni pessimiste. Elle est bien le reflet du cinéma brut, dépourvu d'artifices, de Clair Denis.