Chris Marker est un formidable cinéaste. De ce que j'ai vu de lui, à savoir "Une journée d'Andrei Arsenevitch" ainsi que son célèbre "La Jetée", qui étaient tous deux formidables, la vision de "Level Five" ne fait que de conforter mon idée que Marker est un génie de l'image, de la réalisation, et du montage. "Level Five" raconte l'histoire d'une femme, Laura, en pleine écriture d'un jeu vidéo sur la bataille d'Okinawa, élément de l'Histoire partiellement oublié aujourd'hui. Laura vient de perdre l'homme qu'elle aimait, et effectue son deuil en même temps qu'elle effectue ses recherches sur les événements s'étant déroulés à Okinawa. Marker signe ici un film entre le documentaire et la fiction. Le documentaire recouvre toutes ces interviews, ces témoignages à propos de la bataille d'Okinawa, opposant les forces japonaises aux forces américaines, théâtre de nombreux suicides pour les personnes qui ne souhaitaient pas se rendre aux américains. La fiction recouvre le journal de bord de la programmatrice de jeu-vidéos, Laura, qui parle directement au spectateur, via un journal vidéo. Cette dernière parle philosophie, poésie en même temps que sa vie, son deuil se mêle aux effroyables actes survenus durant la bataille. Chris Marker avait choisi d'insérer le personnage de Laura pour que le spectateur puisse d'identifier à quelqu'un. Pourtant, j'estime que la partie fiction du long-métrage est la partie la plus faible. Jamais je ne me suis réellement attaché à Laura, même si sa vie est plutôt triste, même si ce qu'elle dit peut être vrai et poétique. Alors que la partie documentaire est d'une force émotionnelle monumentale. On cherche à comprendre pourquoi tant de silence sur cette bataille. On cherche à comprendre pourquoi ces mots, ces suicides, tandis que son exposés divers portraits de personnes tâchant de répondre à la question, dont cet homme qui avant d'être pris par l'armée américaine, tua ses parents dans l'objectif de se donner la mort après eux. Evénements tragiques, que la partie documentaire s'efforce de nous faire retenir, pour ne jamais les oublier. "Level Five" est un grand film sur la mémoire. Mémoire d'êtres perdus, pour Laura comme pour les habitants de l'île ayant vécu la guerre. Mémoire d'une bataille perdue, et qui petit à petit s'enfonce dans les méandres de l'oubli, comme pour nous empêcher de nous souvenir de la tragédie de la bataille. Je le répète, mais dommage que la partie fiction ne m'ait pas plus accroché que ça, n'étant pas foncièrement fan du principe du journal filmé. Toutefois, la véritable force de "Level Five" réside en ces images documentaires et d'archives, ou Marker effectue le meilleur travail possible pour nous plonger au coeur de cette bataille, de par une expérience hors du commun.