On peut bien sûr se moquer des règles du thriller – ne jamais avoir de lampe torche sur soi, ne sortir que par mauvais temps, fréquenter des gens aussi louches que possible, ne jamais prévenir la police, etc. On peut noter la quasi-absence d'humour dans ce type de films – ici, une ou deux exceptions : la « scène des baladeurs », la scène finale, voire celle de l'étudiant mangeant des chips devant un film ultra-violent comme s'il s'agissait d'un blockbuster tout public – alors qu'un peu d'humour, si possible noir, pourrait rendre le tout encore plus malsain. On peut, dans le cas de "Tesis", regretter que les personnages soient presque tous des clichés : le beau-gosse-maléfique-au-regard-d'ange, l'étudiante-coincée-qui-écoute-de-la-musique-classique, l'étudiant-aux-goûts-morbides-et-aux-cheveux-longs-qui-écoute-du-hard-rock, le professeur-
cynique-et-anti-artiste-qui-se-révèle-être-un-meurtrier(-et-en-plus-il-fume)
, et même les parents-aimants-mais-qui-ne-comprennent-rien... C'est dommage, car "Tesis" aurait pu sans trop de mal éviter les deux derniers de ces reproches, et se placer ainsi dans la catégorie des chefs-d'œuvre.
Le premier film d'A. Amenábar est donc « seulement » un bon film. Le scénario bien rodé est complexe sans être compliqué, et ne se perd pas trop dans ses propres circonvolutions. Le jeu des acteurs est plutôt bon. Le rythme emporte le spectateur dès le début, et alterne parfaitement temps forts et temps faibles, sans laisser de place pour les temps morts. La réalisation est tout à fait correcte. Et puis, on a beau ne pas vouloir se prendre au jeu, et trouver cela un peu facile, l'avertissement sous-jacent et presque permanent dans le film fonctionne plutôt bien, même s'il est souvent à la limite de s'imposer de façon forcée : les images ne sont jamais gratuites. Si le message passe aussi bien, c'est parce qu'il donne son unité et sa cohérence au film, et c'est aussi parce que "Tesis", comme tous les bons films sur le sujet (voir dans des styles différents "Martyrs" de P. Laugier, 2008, ou "Freaks" de Tod Browning, 1932), prennent le spectateur à son propre jeu, celui du voyeur. Du cinéma intelligent sur le cinéma – alors qu'il est tellement difficile d'être intelligent quand on parle de soi.