Le premier long-métrage d'Alejandro Amenábar aura quand même fait beaucoup de bruit pour rien. Sa pseudo-réflexion sur la représentation de la violence comme nourriture à nos instincts triviaux ne sert que de façade pour orchestrer un simple thriller, qui empile les twists à l'excès, surlignant du même coup la vanité de son écriture. Là où Amenábar se plante, c'est sur sa culture incessante du trouble et de la duplicité, présentant sans arrêt tous les protagonistes sous des jours potentiellement angoissants pour ne jamais écarter leur potentiel de psychopathes. D'autres l'ont fait avant lui, mais cette fois, l'exercice est réalisé sans subtilité, le comportement de tout un chacun s'avérant finalement si potentiellement suspect que même un tueur craignant d'être démasqué ne se risquerait pas à l'adopter.
Citons par exemple le jeune étudiant en audiovisuel qui, lorsqu'il subodore qu'une autre étudiante l'a suivi, se met à son tour à la pourchasser sans relâche et en courant, dans des couloirs soudainement vides, comme par la grâce de Dieu.
Tesis est bourré de ce genre de facilités, destinées à créer un suspense continu mais immédiatement factice, chaque mouvement et chaque geste contribuant trop manifestement à ce jeu de pistes qui perd d'emblée tout mystère. D'autres je l'ai dit (De Palma, par exemple), tiennent assez bien en main ce genre de choix d'écriture pour maintenir une certaine tension et la faire aller crescendo, mais c'est qu'ils savent lui mêler une atmosphère de trouble mental qui justifie la paranoïa ambiante et l'équilibre suivi par le récit. Amenábar, 23 ans à l'époque, était loin d'avoir cette poigne, et rate voire oublie d'adjoindre à ces excès la fascination de son héroïne pour le jeu auquel elle est prise. Son scénario sonne donc comme vainement surfait, et en l'absence d'une écriture plus soignée, Tesis n'est qu'un grand brouillon au suspense superficiel et au sous-texte anémique ("la sur-représentation de la violence, c'est mal"), en plus d'être déjà vu. Si c'est vraiment là un des films espagnols qui ont marqué les années 1990, c'est dire combien le cinéma ibérique allait (va ?) mal !