Premier long-métrage d'Alejandro Amenabar, récompensé par 7 Goyas, Tesis fut le fer de lancement d'une carrière jusqu'à présent irréprochable. On retrouve dans cette intrigue étudiante toute la panoplie du réalisateur, qui en était pourtant encore à ses balbutiements. Un scénario solide ficelé avec beaucoup d'intelligence pour captiver le spectateur et lui conférer la même angoisse que celle des protagonistes. L'histoire se distingue véritablement par sa richesse narrative, qui fait naître chez le spectateur une multitude d'interrogations et qui font perdurer le doute jusqu'aux tout derniers instants.
Pour ce faire Amenabar utilise un univers : L'univers étudiant. Que ce soit de manière spatial, avec cette université aux couloirs sans fins, aux étudiants passifs et aux salles poussiéreuses, ou de manière contextuelle. Le thème abordé, à savoir les snuff movies, renvoie directement à la jeunesse, au voyeurisme malsain qui peut l'enthousiasmer et aux bêtises qui en découlent. Angela, contrainte malgré elle d'enquêter sur un snuff movie qui aurait condamné une étudiante de sa faculté, va nous plonger à ses côtés dans une quête des plus angoissantes.
Les soupçons se portent sur tous ceux qui l'entourent, de près ou de loin, les indices et les fausses pistes naîtront par dizaines. Dans cette recherche de la vérité de nombreux facteurs seront disséminés. Tout d'abord le rapport à la mort, non pas en elle-même, mais en tant que dépérissement physique, et plus ce dépérissement sera morbide, plus le rapport sera incertain. Perdue entre fascination et rejet, entre désir de savoir et désir d'ignorer, l'enquête nous fera nous-même hésiter : À vouloir voir les images que les protagonistes voient, à vouloir écouter les sons qu'ils entendent. Finalement nous subiront le même traitement que le réalisateur inflige à ses personnages : Nous serons perdus et incertains.
Si les images ne tombent pas dans l'esprit gore mal placé, la violence reste très présente, et le film n'est pas à mettre entre toutes les mains. Outre le côté angoissant de l'enquête, le fait d'en découvrir d'avantage sur la nature de ses crimes, la manière de procédé des agresseurs etc. va apporter un malaise constant. Le thriller se transforme lentement en film d'épouvante, avec ces couleurs sombres, ces rêves étranges, ces faux-semblants, ces personnages inquiétants et cette menace qui plane toujours de manière plus précise sur Angela. Apeurée de subir le même sort que sa camarade disparue, elle sera épaulée par un autre étudiant – amateur de films gores –, Chema. À eux deux ils formeront un duo très complexe, qui fonctionnera avec difficulté, tant la paranoïa grandissante du film et leurs caractères opposés contribuera à créer des frontières incertaines.
L'histoire est censé être simple : La recherche d'un coupable. Mais cette recherche sera floutée par tous les sentiments que ne pourront s'empêcher de ressentir les personnages : De l'amour, du désir, de la peur... Et finalement la recherche se transformera en véritable puzzle incompréhensible, dont seules certaines pièces manquantes pourraient y apporter de la clarté.
Certaines séquences pourront paraître maladroites, et le jeu des acteurs ne sera pas toujours convaincant. Cependant, l'histoire et la tension toujours plus importante cacheront ces quelques défauts, pour nous offrir un thriller à l'ambiance étouffée et au déroulement passionnant. Et il gagnera d'autant plus en puissance qu'il se base sur une véritable question de société, référée dans l'affiche : Que sommes-nous prêt à accepter derrière un écran ? Amenabar fait ici une critique du vice que peut représenter le cinéma, qui se place dans le divertissement et oublie parfois la morale éthique, juste pour satisfaire les désirs inavoués des uns et des autres.
Mis à part toutes les qualités que j'ai déjà cité, le réalisateur prend même la peine de se faire une inside joke. Effectivement lorsqu'Angela fait une recherche concernant tous les acheteurs d'une caméra XT-500 nous pouvons retrouver son propre nom, un clin d'œil plutôt sympa.
Bref, Amenabar signe alors avec son premier film un délice scénaristique et une mise en scène agréable, bien que parfois maladroite. L'appréhension finale reste très positive, et ne donne qu'envie d'en voir plus sur le travail d'un cinéaste hors-norme, qui fait figure à titre personnel de réel modèle.