Alors qu'il vient de connaitre un succès mérité avec Frenzy, Hitchcock, quasiment octogénaire et voyant sa santé se dégrader (il est obligé, depuis 1974, de porter un pacemaker suite à une crise cardiaque), se lance dans sa dernière oeuvre qui sortira en 1976, Family Plot, où il relate les péripéties d'une fausse voyante et de son amant chauffeur de taxi.
Il est bien difficile de juger ce chant du cygne du maitre du suspense, si on est très loin du génie et de l'impact de certaines de ses oeuvres (Vertigo, Notorious, Psycho, etc) ça reste tout de même efficace, amusant et plutôt sympathique. Pourtant, tout commence mal avec une séance de médium et une voyante assez irritantes mais, peu à peu, Hitchcock met en place son intrigue et à partir de là, les personnages sont intéressants (les deux couples), les moments d'humour et de légèreté sont appréciables tandis que l'intrigue reste efficace avec un suspense présent.
Le maître semble d'ailleurs tout maîtriser, peut-être un peu trop même tant il ne prend aucun risque, que ce soit dans le fond que dans la forme. Il ne nous surprend à aucun moment et les éclairs de génies sont peu présents, voire même absents. C'est même un style plutôt inhabituel pour Hitchcock qui met en scène son film comme une comédie policière, où la tension est peu présente et insistant bien plus sur les personnages et dialogues, donc heureusement que ce point-là est maîtrisé. Il gère plutôt bien son récit en juxtaposant l'histoire des deux couples et la façon dont ils vont peu à peu être amenés à se croiser, c'est bien rythmé et toujours intéressant à suivre.
Lorsqu'il tourne Family Plot, ça fait déjà 50 ans qu'Hitchcock est dans le cinéma (il a scénarisé son premier film en 1923 et sa première réalisation date de 1925) et il ne semble pas se lasser, s'amusant même sur ce dernier film, comme nous d'ailleurs, à l'image du dernier plan où il semble s'adresser à ses spectateurs/admirateurs pour la dernière fois. Devant la caméra, les acteurs semblent aussi s'amuser et sont plutôt bons tandis que cette unique collaboration avec John Williams donne une bande-originale de qualité et collant à merveille avec l'atmosphère plus légère, parfois même loufoque, que le maître met en place.
Chant du cygne d'un génie, de l'un des réalisateurs les plus marquants et brillants du 7ème art et qui aura pleinement participé à mon éducation cinéma, m'ouvrant les portes d'un monde qui m'était alors inconnu il y a déjà fort longtemps. Depuis j'ai eu le temps de tout voir dont au moins la moitié deux ou trois fois et ça a souvent été un régal, que ce soit lorsqu'il livrait des thrillers d'une redoutable et implacable efficacité ou quand il repoussait les limites de son art. Il décédera 5 ans plus tard, en 1980... après avoir œuvré pendant six décennies différentes dans le cinéma et abandonnant au dernier projet. Merci pour tout Sir.