La ressortie en salle de quatre films de fiction réalisés par Mai Zetterling, actrice suédoise passée derrière la caméra en 62, permet d'évaluer l'importance de son travail de cinéaste. Notons qu'elle signa aussi des documentaires.
En tant que comédienne, elle tourna même en dehors des frontières de son pays et fait par exemple partie de la distribution d'un opus de Marc Allégret.
Des quatre titres proposés " jeux d'été" ( le deuxième des quatre par ordre chronologique) est sans doute le plus connu dans l'hexagone, pour le scandale qu'il suscita lors de sa sortie (1966) au royaume de Suède.
On imagine que ce sont les quelques scènes déshabillées, jugées provocantes qui firent grincer des dents. La scène de l'accouchement et certaines répliques mises dans la bouche d'Ingrid Thulin achevèrent sans doute d'irriter les plus conformistes.
A travers la visite que fait un jeune homme dans la maison de son enfance, accompagné de sa fiancée et ( peut-être) future épouse, les souvenirs de ses parents ( surtout de sa mère distante et mal aimante et de sa grande tante paternelle qu'il adorait) lui reviennent en mémoire.
Mais pour construire sa vie personnelle de façon équilibrée, ne faut il pas tourner la page et cicatriser les plaies encore ouvertes ?
La période des années 60, donna en Suède au plan cinématographique, naissance ( comme dans d'autres pays) à une nouvelle vague.
Le héros en Suède de cette période était alors Bo Widerberg ( aujourd'hui le double palmé au festival de Cannes, Ruben Ostlung se réclame de cette filiation) qui égratignait la figure tutélaire qu'était Ingmar Bergman ( auquel il reprochait de ne pas s'intéresser dans son cinéma à la vie des plus démunis et aux questions sociales).
Zetterling semble s'inscrire au milieu des deux artistes et propose finalement ici, une sorte de condensé des deux univers ( celui de Bergman et celui de Witerberg).
Le casting d'abord : la cinéaste offre à Ingrid Thulin ( vue fréquemment chez Bergman et sans doute une des actrices suédoises dont la beauté et la photogénie est la plus exceptionnelle) le rôle majeur.
Mais aussi Zetterling donne le rôle de la fiancée à la très jolie actrice qui incarne le rôle principal dans le premier film de Widerberg. " le pécher suédois" (62), parfois considéré de façon symbolique comme le "A bout de souffle " local.
Au plan formel, " jeux de nuit" reprend aussi le type de cadrage, de photo et parfois de mise en scène qui ont fait la marque et la magie de Bergman.
Mais Zetterling convoque aussi l' univers baroque qu'on retrouvera plus tard chez le polonais Has ( certaines scènes font penser à " la clepsydre " ) mais aussi le symbolisme osé qu'on observe chez l'italien Marco Ferreri et des clins d'œil adressés à Godard et son " Pierrot le fou" ( 1965) notamment pour la scène finale, tournant son regard vers Witerberg.
Enfin, la partition musicale qui illustre les tourments intérieurs des personnages sera choisie parmi des partitions qui relèvent du free jazz et non pas parmi celles du répertoire classique qui avait la faveur de Bergman.
À l'écran ce mélange des genres à certes de quoi déstabiliser le spectateur.
Pourtant, si " jeux de nuit" n'atteint pas ( à mes yeux du moins) la perfection des opus de Bergman de l'époque, ni ne propose un cinéma totalement d'avant-garde, le mélange des deux styles au sein d'une même oeuvre, assorti de la force des thèmes abordés ( famille peu aimante à l'égard de leur progéniture, parents bourgeois et déséquilibrés, difficultés et nécessités de s'extraire des traumatismes vécus dans l'enfance) justifie, pour l'amateur de cinéma d'auteur, d'y jeter un regard.