Les films de Von Trier sont de ces rares histoires qui poussen le héros à des limites tellement inimaginables qu'elles en donnent presque un haut le coeur, et que réguliérement, nous sommes obligés de faire une pause dans le visionnage du film, au risque de surmenage émotionnel. Breaking the waves est sans conteste un chef-d'oeuvre, car il possède à la fois le caractère d'une cruelle et magnifique fable que celle d'une réalité dont nous sommes les voyeurs, qui résulte de cette façon de filmer, cadrage à l'épaule, au coeur de l'action, dans des endroits souvent exigus, ce qui nous met parfois bien mal-à-l'aise. C'est ce qui fait une des principales forces du film, servit également par un casting exemplaire, Emily Watson en tête, bouleversante, tout comme Katrin Cartlige. Breaking the waves est le premier volet de la trilogie du réalisateur danois intitulée "Coeur d'or", mettant en scène des femmes qui affublées d'un handicape (ici une trop grande naïveté, candeur) vont se sacrifier par amour. On ne soupçonnait pas la force que pouvait avoir une fille aussi faible que Bess, et son sacrifice laisse le spectateur livré à de nombreuses émotions dont un certain dégoût mêlé à une sorte de respect, on est révoltés et éblouis à la fois, ce qui est assez étrange. On est ainsi tiraillés, jusqu'au miracle final qui nous laisse perplexes et définitivement conquis. Bess est un être surnaturel, d'une dimension bien trop supérieure pour être acceptée dans une communauté étriquée (représentée par l'étroitesse des lieux, sombres, austères qui contrastent avec sa luminosité) qui n'a pas encore compris ce que c'était vraiment que la piété et le don de soi. Bess est une martyre, et son parcours, découpé en chapitres bien précis révèle toute la dimension religieuse de son épreuve. Le film est dense, dérangeant et confirme le talent d'un réalisateur définitivement hors-normes.