«Une sale histoire» (France, 1977) fait parti avec «Les photos d'Alix» (France, 1980) d'un des films les plus expérimentales et ainsi les plus subtils de Jean Eustache. Scindé en deux parties, la première est une fiction, la seconde est un documentaire, dans le sens où il est authentique et réel. Le moyen-métrage se lit aussi sur plusieurs pistes, dont le deux majeurs sont 1)l'assimilation entre la fiction et le documentaire et 2)la métaphore du cinéma comme voyeurisme.Pour la première piste, on visionne tout d'abord la version fiction, interprétée par Michael Lonsdale, toujours juste dans son interprétation et ensuite la version documentaire où Jean-Noël Picq narre la même histoire mais avec un naturel logique, une diction limpide. Est alors posé la question du copiage, de la distanciation du cinéma, de l'appropriation du réel pour la construction d'un autre réel. Est d'autant plus troublant cet ordre des choses, où la fiction passe avant l'original. D'autant plus que la duplicité du propos sadique résonne en nous comme une propagande, comme une répétition pour mieux faire entendre. Car il s'agit aussi de faire entendre une idée sur le rapport humain au sexe, ceci étant une autre piste de lecture de «Une sale histoire». Pour ce qui est de la seconde piste, on peut voir dans l'histoire qui est conté, celle d'un homme qui devient subordonné à son désir de voir en secret le sexe des femmes, une image vulgaire du cinéaste. Comme les deux personnages, fictif ou vrai, le cinéaste observe une chose par le truchement d'un trou, qu'il soit architectural ou technique. Et le plaisir naît d'observer à l'insu de l'observé. Le cinéphile est donc aussi concerné, lui qui voit sans être vu, lui, pervers, qui prend plaisir à mater des films. Enfin, suite à ce film qui suggère aux femmes l'exhibitionnisme, le fantôme de «Une sale histoire» nous poursuit,créant un mal-être entre les hommes et les femmes, une fois encore la séance fini. C'est là l'outre-existence du vertige eustachien.