Superproduction hollywoodienne comme on n’en fait plus et, surtout, incontestable classique du 7e art, "Ben-Hur" est, pour autant, un film qui peut effrayer le spectateur d’aujourd’hui, et ce pour plusieurs raisons. Sa durée de 3h30, tout d’abord, qui n’est plus du tout adaptée aux habitudes du public. Sa mise en scène, en suite, qui ne brille pas forcément par son efficacité mais qui, surtout, collectionne les effets sans doute très tendance à l’époque, mais qui vieillissent terriblement le film aujourd’hui. On a, ainsi, droit, à une interminable introduction (avec un plan sur les doigts de la fresque bien connue de Michel-Ange) qu’on retrouve à mi-bobine au moment de l’entracte (ce qui est encore plus désuet !), un rythme très incertain plombé par des scènes qui s’allongent de façon particulièrement déraisonnable, une surexploitation de la musique (signée Miklos Rosza) d’un style tellement "pompier" qu’elle réussit l’exploit de ne pas marquer les esprits (il manque un thème reconnaissable) ainsi qu’à des effets spéciaux particulièrement datées qui trouvent leur apogée lors de la bataille navale (les maquettes y sont assez ridicules). Quant à la direction d’acteurs, on ne peut qu’être amusé devant certains tics de jeu typiques de l’époque (ah le mouvement de tête sur le côté pour mimer le désarroi). Pour autant, on ne pouvait guère imaginer qu’une superproduction du calibre de ce "Ben-Hur" puisse faire l’économie de ces défauts, si représentatifs du cinéma à grand spectacle de l’époque. Dès lors, il convient d’être indulgent et de regarder le spectacle proposé avec un œil bienveillant sur le plan formel. Et force est de reconnaître que, sur un plan purement scénaristique, "Ben-Hur" est une réussite tant il brasse des thèmes au potentiel terriblement évocateur. La première grande idée réside dans la confrontation entre le Juif Ben-Hur (Charlton Heston, très bien dès lors qu’on excuse ses débordements théâtraux) et le Romain Messala (excellent Stephen Boyd), amis d’enfance devenus adversaires en raison des circonstances et du climat politique en Judée. Leur opposition inéluctable (et ses conséquences) est l’un des moteurs du film… au moins dans son premier tiers. En effet, on ne peut que regretter que le réalisateur William Wyler n’ait pas davantage creusé la relation entre ces deux personnages et ait préféré radicaliser sans grande nuance le méchant Messala, plutôt que d’exploiter ses motivations politiciennes ou le passé des deux anciens amis. Résultat, après une entame prometteuse (les retrouvailles, la rupture puis l’exil), Wyler s’intéresse quasi-exclusivement au parcours de Ben-Hur pour ne lui faire retrouver son ennemi que tardivement et, surtout, sans grand sentiment. Il faut dire que ce brave Ben-Hur a fort à faire pour se relever après son exil forcé (avec un parcours initiatique qui n’est pas sans rappeler "Gladiator") et son aventure est, incontestablement un autre point fort du film. Les scènes dans les galères, le sauvetage de son futur père adoptif Quintus Arrius (Jack Hawkins), sa rencontre avec l’affable Cheik Ilderim (amusant Hugh Griffiths) et, bien évidemment, la légendaire course de chars comptent parmi les grands moments du film. Enfin, "Ben-Hur" a su se distinguer par une grandiose idée de mise en scène, à savoir la représentation du Christ sur grand écran. En effet, il est rappelé que le film est adapté du roman "Ben-Hur : a tale of the Christ", de sorte que Wyler ne pouvait pas faire l’impasse sur les nombreuses scènes mettant en scène Jésus, distribuant la bonne parole en Judée sous l’œil inquiet des Romains. Et le risque était grand que le Christ fasse pâle figure, surtout à côté d’une star comme Charlton Heston. C’est sans doute la raison pour laquelle Wyler a fait le choix de le filmer toujours de dos et de lui faire adopter une gestuelle très iconographique, ce qui renforce la figure christique. Malheureusement, aussi audacieuse soit-elle, cette touche religieuse s’avère être le principal défaut de la fin du film qui se perd un peu dans une ambiance mystique au les longueurs se multiplient à mesure que l’intérêt du scénario vacille. En effet, si on a pu s’enthousiasmer pour sa rivalité avec Messala et les épreuves qu’il a dû affronter pour revenir auprès des siens, difficile de se passionner autant pour ses retrouvailles contrariées avec sa mère et sa sœur, devenues lépreuses, tant les personnages semblent, alors, tous habités par une foi béate envers le prophète qui prêche sur la colline… surtout après 3 heures de film ! Plus que le rythme bien trop lent de cette conclusion (les allers-retours dans la vallée des lépreux, le calvaire du Christ, la crucifixion…), c’est bien le prosélytisme ambiant et, surtout, la façon dont les scénaristes résolvent tous les problèmes du héros, en un orage miraculeux, qui ne manquera pas d’interloquer tant ce final était attendu. D’ailleurs, comment douter, dès lors que Jésus fait partie intégrante de l’intrigue, que les lépreuses vont succomber ? Cette dernière partie manque, donc, de surprise mais, également, de souffle… et ce n’est pas la bien molle histoire d’amour entre Ben-Hur et Esther (Haya Harareet un peu monolithique) qui vient arranger l’affaire. Néanmoins, pour peu qu’on ne soit pas rebuter par les péplums de années 50-60, il me parait difficile de na pas apprécier ce "Ben-Hur" qui, malgré ses défauts de productions, évoque un passé hollywoodien glorieux.