Si le cinéma a pour objectif de nous faire voyager en inventant des mondes parallèles, il peut aussi avoir comme modèle l'être humain, dans ce qu'il a de plus réel. C'est ce que le tandem Jaoui-Bacri s'attache à faire depuis plus de trente ans. Et celui-ci a commencé, entre autres, avec une pièce de théâtre nommée Un air de famille, reprise par Klapisch en 1996.
Toutes les semaines, la famille Ménard se réunit pour dîner ensemble au Père Tranquille, un café sans histoire tenu par l'aîné Henri, un homme sans histoire. Et aujourd'hui, c'est une occasion spéciale puisque c'est l'anniversaire de Yolande, l'épouse du cadet Philippe. Tout aurait du bien se dérouler, sauf que la femme d'Henri n'est pas au rendez-vous. Des questions vont alors survenir, laissant place aux règlements de compte...
On a dit beaucoup de bien du Prénom sorti en 2012, huit-clos tiré également d'une pièce de théâtre. Les membres d'une famille se balançaient des vérités à la face comme ils ne s'étaient jamais dites auparavant. Mais Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri étaient déjà passés par ce terrain périlleux : celui à la fois de divertir, et d'être juste. Dix-sept ans plus tard, Un air de famille n'a pas perdu une ride et ses interprètes (Frot, Daroussin, Yordanoff) continuent de poursuivre un parcours professionnel parfaitement cohérent, gage de qualité dans cette comédie.
Deux objectifs étaient donc à atteindre : le divertissement d'abord. Les répliques écrites par le duo fonctionnent à merveille et font mouche les unes après les autres. Dans un décor étriqué et volontairement terne, la caméra de Klapisch arrive à trouver sa place pour saisir des moments jubilatoires (la danse entre Frot et Daroussin). Les acteurs participent évidemment à la réussite du film grâce à des mimiques aussi singulières que désopilantes (encore et toujours Bacri).
La justesse enfin est peut-être l'aspect le plus dur à obtenir. Un air de famille fait partie de ces rares films à évoquer un sujet pertinent, en peignant un tableau humain composé de rapports conflictuels dépassant la réalité, sans forcément en dire beaucoup. Et c'est bien grâce à cette base que les JaBa écriront ensuite Le Goût des Autres ou Comme une image, des films qui étudie l'humain au plus près sans jamais tomber dans un quelconque pessimisme, mais en visant, toujours, la justesse.
Un air de famille est un culte du cinéma français. Le regarder, c'est comme jeter un coup d'œil dans un miroir.