Dernièrement « Mariages ! » revu après 15 ans. Aujourd’hui «Un air de famille ». Contrairement au film de Valérie Guignabodet, je l’avais vu à sa sortie et depuis revu de façon régulière. Voilà un film dont je ne me lasse pas. Il n’est pas dans mes intentions de le comparer ou de l’opposer, il se trouve que j’ai revu ces deux films programmés au même moment. « Un air de famille » c’est avant tout une pièce de théâtre. Avec la même distribution. Petite distribution mais talentueuse. Tant qu’à faire de comparer, je compare le même genre. Comme je le dis souvent, retranscrire du théâtre sur pellicule n’est pas chose aisée, le piège est d’en faire du théâtre filmé ! Et par nature, le théâtre est un huis clos car non seulement le théâtre est un lieu fermé mais il propose un seul décor en général. Si un film est réussi c’est grâce au point de vue du réalisateur lequel s’appuie sur la force des dialogues et de textes de qualité qui conditionnent la mise en scène, à mon avis. Roman Polanski est un maître en la matière : « Carnage », « La vénus à la fourrure » par exemple. Par opposition, « Le jeu de la vérité » signé François Desagnat est un film raté car le texte est d’un banal confondant. La mise en scène tourne vite en rond ; il en est de même pour « Nos femmes » de Richard Berry, la mise en scène est d’une platitude navrante, comme le texte et l’interprétation forcée des acteurs. Conclusion : pas de texte, pas de film ! C’est réducteur, j’en conviens mais je provoque. Autre exemple réussi « Le Dîner de cons » de Francis Veber. Francis Veber a préféré réadapter sa pièce pour le cinéma. Le texte est là, fort et original. De toutes façons, il suffit de constater les notes des allocinautes et autres critiques presse pour se rendre compte que ma provocation est convaincante ! On peut aussi citer « Cuisine et dépendances »… Tiens, tiens, on retrouve deux auteurs de qualité qui ont signé « Un air de famille »: Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui. Comme dirait l’autre, il n’y a pas de hasard et l’avenir a depuis confirmé que le couple Bacri-Jaoui est une valeur sûre. Cédric Klapisch a transformé l’essai haut la main, lui qui signait là sa deuxième réalisation ! Il a su mettre en valeur la pièce, et, là encore, grâce à la qualité du texte. Servi par des comédiens-acteurs de talent. Avec une mention spéciale à Catherine Frot qui a mérité amplement son César dans un second rôle. Elle interprète une Yolande sans cesse rabrouée par un mari (Wladimir Yordanoff) égocentrique, impatient. Petit bout de femme mi-éteinte mi-lumineuse. On en perçoit rapidement un coeur généreux. Comme Denis, interprété par Jean-Pierre Darroussin, tiens, comme par hasard, récompensé lui aussi par un César dans un second rôle masculin ! Lui aussi rabroué par son patron, Henri (Jean-Pierre Bacri) par la mère de celui-ci (Claire Maurier), éconduit par Betty (Agnès Jaoui) ; un personnage au grand coeur. Yolande et Denis savent composer avec la famille Ménard, deux personnages qui ne sont animés d’aucune colère, d’aucun ressentiment. Deux personnages forts contrairement aux apparences. La scène où Denis et Yolande dansent est émouvante, comme les cadeaux offerts à cette même Yolande, à la fois pathétique et émouvant. Oui, le film a des moments de grâce au milieu de personnages impatients, colériques, malgré ce concert de tons acides, cruels et caustiques. « Un air de famille » n’est pas une caricature de personnages taillés à la serpe, ce sont des portraits que l’on a déjà croisés ou que l’on a fuis ou qui font partie de notre entourage. « Un air de famille » c’est du bon cinéma qui rend hommage à un grand texte de théâtre.