Film porté aux nues par la critique lors de sa sortie pour la qualité de son écriture et son humour loin des beauferies habituelles, j’ai mis un peu de temps à voir "Un air de famille", malgré un attrait évident sur le papier. En effet, le duo Agnès Jaoui - Jean-Pierre Bacri à l’écriture (à leur grande époque), une intrigue qui prend place dans une banlieue grise pas vraiment glamour avec son bistrot décrépi en bordure de voie ferrée et la présence de Cédric Klapish sur le siège de metteur en scène étaient autant de facteurs enthousiasmants. Et, sans surprise, Un air de famille est une évidente réussite qui doit beaucoup (tout ?) à la qualité de ses dialogues et à l’interprétation de ses acteurs. Comme "Cuisine et dépendances" avant lui, le film est une adaptation d’une pièce de théâtre (écrite par le duo Jaoui - Bacri, donc) jouée par les mêmes acteurs. Les automatismes sont, donc, là… de sorte qu’on a pas la moindre peine à imaginer le passé de cette famille Ménard dont les réunions, les non-dits et les engueulades ne manqueront pas de rappeler des souvenirs à tous. Car, c’est évidemment le talent des scénaristes, qui sont parvenus à rendre cette famille tellement commune tout en dépeignant leurs relations avec une grande finesse qui fait la qualité du film. On retrouve, ainsi, la mère qui
fait des différences entre ses enfants
(formidable Claire Maurier), le grand frère ambitieux et insupportable de suffisance (trop rare Wladimir Yordanoff), le frère râleur
parce que mal-aimé
(Jean-Pierre Bacri évident), la sœur rebelle (Agnès Jaoui impeccable), la belle-sœur magnifiquement cruche qui acquiesce à tout (extraordinaire Catherine Frot qui s’empare du rôle le plus marquant du film) ou encore le serveur
secrètement amoureux
considéré comme un fainéant (Jean-Pierre Darroussin qui s’en sort parfaitement malgré un rôle moins écrit). Tous ces personnages bénéficient d’un traitement d’une grande subtilité puisqu’ils ont tous des défauts assez détestables… que les scénaristes justifient plus ou moins par leur passé
(on sent que le père puis sa disparition prématurée ont profondément chamboulé les rapports entre les membres de la famille)
. On notera, également, quelques coups de génie comiques qui marquent les esprits tels que la présence du chien mort-vivant, le coup du gâteau pour "marquer le coup" ou encore la scène, devenue culte, du collier offert à Yolande
(et le monstrueux "mais c’est beaucoup trop luxueux pour un chien")
. Le passage des planches au grand écran (qui était un peu plus compliqué sur "Cuisine et dépendances") se fait, également, sans encombre grâce au talent de Cédric Klapish qui a apporté un soin tout particulier au décor, qui sont monstrueusement déprimants (au point de faire de ce bar un personnage à part entière du film) et qui a su aérer un peu son récit avec des flash-backs sur la jeunesse des trois enfants ou des scènes d’extérieur. Pour autant, "Un air de famille" reste une adaptation théâtrale et, contrairement au "Dîner de Cons", qui reste la référence en la matière, on sent bien, par moments les origines du film… à commencer par ces fameux flash-backs qui servent clairement à passer d’un acte à l’autre et qui auraient gagné à être un peu plus diversifiés. Et, surtout, le reproche principal qu’on peut faire au film, et qui vaut pour l’ensemble des scénarios écrits par le duo Jaoui - Bacri et qui s’est considérablement aggravé au fil des films, reste cette fâcheuse tendance à asséner des leçons de moral un peu bas de gamme et surtout, avec lourdeur. Les monologues de personnages faisant la gueule et criant leur désespoir à la face de l’autre font sûrement beaucoup d’effet sur scène mais, au cinéma, il existe des moyens plus subtils de faire passer le même message. Il n’en reste pas moins que "Un air de famille" a su confirmer qu’une comédie française pouvait être subtil dans con propos et, malgré tout, faire rire. Il n’existe plus tant de films de cet acabit aujourd’hui…