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Audrey L
627 abonnés
2 580 critiques
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3,0
Publiée le 27 mars 2018
Vu lors du Festival du Cinéma d'Alès - Itinérances, pour sa première projection sur un aussi grand écran, Histoire d'une prostituée de Seijun Suzuki est un très beau récit, poignant, d'une prostituée dans un camp de soldats japonais qui ne cesse de satisfaire les "envies" de ces messieurs... Bientôt, le capitaine se réserve cette effrontée qui le refuse lors de ses plaisirs charnels bestiaux (on plaint très vite cette pauvre jeune fille, entre l’écœurement et la révolte outrée face à ces pratiques dignes d'un autre millénaire...), tandis que la jeune fille préfère tomber amoureuse du serviteur fidèle du capitaine, qui n'a pas tant d'yeux pour elle... Entre tragédie humaine à la limite du shakespearien, batailles basées sur l'honneur et codes de conduites ancrés dans les mœurs japonaises et effets de style singuliers (les arrêts sur image, les personnages littéralement déchirés comme du papier, ...), on se sent immédiatement dépaysés. En revanche, pour ceux qui ne sont pas familiers du genre, pensez à des boules Quies, car le cinéma japonais est féru de cris continus (Hirumi est ainsi souvent assourdissante). De même que la fin tragique déçoit un peu, peut-être simplement inadaptée à notre culture moderne qui trouvera alors que spoiler: la miss se sacrifie vraiment inconsciemment vu que l'homme la repousse comme une mouche indésirable (absolument pas pour la sauver), et ne parlons pas de l'acte vain de l'homme car depuis notre fauteuil nous savons bien que quoiqu'il fasse il sera déshonoré donc se suicider est peut-être le dernier choix à faire... Un beau classique de l'Enfant Terrible du Japon, qui fera des heureux parmi les amateurs du genre, et vaut le coup d’œil des curieux.
Avec "Histoire d'une Prostituée", Seijun Suzuki nous emmène sur le front de Mandchourie où une garnison de l'armée impériale japonaise occupe ce territoire. Lorsqu'un groupe de filles de joie arrive, Harumi est l'une d'entre elles, et elle va se retrouver courtisane attitrée du violent officier de garnison.
Après l'avoir présenté comme une femme rêvant d'amour et d'une vie stable mais trompé par l'homme qu'elle aimait, Suzuki braque sa caméra sur elle et son arrivée dans l'armée où très vite elle va se retrouver sous la violence et la cruauté du chef et pour s'en défaire approcher un soldat soumis à celui-ci dont elle va tomber amoureuse. Femme forte et courageuse, elle entend bien se rebeller mais n'arrive guère à modifier les rapports de force. Suzuki met en scène un vrai portrait de femmes acceptant d'abord sa condition pour ensuite vraiment rêver d'une vie meilleure, un portrait dont il retranscrit à merveille toute la cruauté et l'émotion qui en découle.
Mais derrière ce portrait de femme se cache surtout une charge contre l'armée. Finalement, en restant une grande partie du film dans le camp, il montre que leurs principaux ennemis ne sont autres qu'eux-même. Il met en avant la façon dont elle modifie les hommes, dont le grade devient le plus important et permet notamment au chef de n'avoir que du mépris pour ceux qui sont en dessous de lui. Une armée où le code d'honneur est au-dessus de tout et même de l'amour, seule la victoire compte, bien plus que les femmes, le plaisir ou l'alcool. Finalement, il montre comment l'armée transforme les hommes en des pantins déshumanisés et il en fait ressortir toute l'horreur mais aussi l'absurdité de ce constat-là. Il met aussi en scène une armée impérialiste japonaise désireuse de conquérir la partie pacifique de l'Asie.
L'atmosphère du film est sombre et pessimiste, il y a très peu d'espoirs dans ce qu'il met en scène et l'avancement de l'histoire le confirme. Suzuki joue avec le contraste de la belle photographie en noir et blanc et utilise bien la musique qu'il a à sa disposition, participant à cette atmosphère. Sur la forme, Suzuki use de cadres reflétant ce qu'il désire mettre en scène, à l'image de ses plans sur le visage des protagonistes et plusieurs scènes le reflètent bien, que ce soient ceux sur Harumi, le final ou même l'attroupement des soldats/pantins lorsque les filles de joie arrivent, montrant là leur frustration sexuelle. Sa direction d'acteurs est d'une grande justesse, les interprètes sachant faire ressortir soit l'émotion, soit l'absurdité de leur sort.
Un film sombre et pessimiste bénéficiant de la justesse et de la maîtrise de Suzuki, mettant en avant l'absurdité et l'horreur de l'armée à travers l'histoire de cette prostituée. (Merci à Kalopani pour la découverte du film et en même temps d'un cinéaste dont c'est ma première, mais surement pas ma dernière, exploration)
Après avoir terminé le film Histoire d'une prostituée, je pensais avoir bien aimé. Mon regard maintenant, quelques semaines par la suite, me fait nuancer grandement mes propos. Je crois que sur le moment j'ai aimé les qualités du film, formelles et scénaristiques - redonner toute leur dignité à ces femmes, moi je trouve ça toujours bien -, mais le souvenir que j'en ai, maintenant, c'est un film assez hystérique et déplaisant à regarder, en dépit de ses qualités. Du coup, je reste sur un avis assez mitigé.
Il faut bien évidemment saluer la qualité de la photographie, les nombreuses trouvailles visuelles du film (dont un plan absolument marquant). Le scénario est linéaire mais bien trouvé. Néanmoins, tout cela manque clairement de sensibilité à mes yeux, cette histoire ne me touche pas, certainement surappuyée à certains moments
Quand on connaît le penchant de Suzuki pour la provocation et la critique acerbe, en découvrant que les premières images du film nous entraînent en Mandchourie envahie par larmée impériale japonaise, lon est en droit dattendre de lanti-militarisme intelligent, et forcément on nest pas déçu. Suzuki dépeint sans concession la stupidité de lembrigadement et du fanatisme militaire, crachant sur lesprit de sacrifice forcené propre à larmée japonaise et foulant du pied laliénation à lempereur. A lopposé de lultranationalisme crié tout au long du film par une armée endoctrinée au dernier degré, ici le véritable héros est celui qui a le courage dabandonner son pays pour suivre sa propre morale, alors que lhéroïsme militaire est montré comme une sorte de folie furieuse allant à lencontre de toute logique et ne menant finalement quà un immense gâchis. Pour contrebalancer cette explosion de testostérone mal placée, Suzuki met en scène une demi-douzaine de prostituées, nayant pas dautres plus grand rêve que celui dêtre simplement heureuse. Une fois encore chez Suzuki les femmes ont la part belle et font preuve de plus dhumanité que le « sexe fort ». Il les montre comme des havres de rédemption et dapaisement que les hommes utilisent sans vergogne et sans délicatesse. Et au sein de toute cette histoire se trouve la romance entre une des prostituées et un sous-officier a la foi aveugle dans son endoctrinement. Retrouvant un peu dhumanité à son contact, son choix entre sa fierté patriotique et sa propre vie va se mettre à osciller pour ne se résoudre que lors dun climax final amer Une fois de plus Suzuki livre une uvre à la fois forte et intelligente qui rappelle que toute mise à mort, dautrui comme de soi-même, est condamnable et inutile. (+de critiques sur http://www.guillaumetauveron.com/Textes/chroniques_films.htm)