La réussite du film (sa justesse dans la définition des personnages, son intensité dramatique) doit beaucoup à sa méthode de création. Bien en amont du tournage, Mike Leigh a travaillé séparément avec chaque acteur sur son personnage. L’évolution de ce travail préparatoire a nourri des portraits ainsi qu’un scénario dont les acteurs n’ont pas eu connaissance dans sa globalité. Les deux actrices principales ne se sont par ailleurs rencontrées que lors de leur première scène commune. Ce mélange de préparation en profondeur et de recherche de spontanéité lors du tournage donne un résultat formidable de naturel, d’autant qu’il est porté par de très bons acteurs. Le tissage narratif, la mise en scène et le montage, habilement orchestrés et rythmés, sont au diapason.
Le regard social, fondement du cinéma de Mike Leigh (et du cinéma britannique en général), est bien présent ici et d’une qualité alliant intelligence et sensibilité, empathie et distance, pour évoquer les différences de classes. Mais c’est la dimension de drame familial qui l’emporte largement en termes d’enjeux narratifs : relations entre mères et filles, entre frères et sœurs, entre maris et femmes. Et là encore le cinéaste trouve un juste équilibre entre expressions douloureuses et petites touches humoristiques, entre le dit et le non-dit… C’est fort sans être mélo.
Festival de Cannes 1996 : Palme d’or et Prix d’interprétation féminine pour Brenda Blethyn, excellente dans le rôle d’une femme de milieu populaire, marquée par la vie, toujours à fleur de nerfs, maladroite, agaçante et touchante. Sa prestation, lors de la fameuse rencontre entre mère et fille dans un café londonien, est incroyable.