Roi des premiers films d’horreur hollywoodiens et cinéaste de la monstruosité (cf. «Freaks» (USA, 1932), «Dracula» (USA, 1931)), Tod Browning avait réalisé précédemment à ses deux incunables «West of Zanzibar» (USA, 1928). Sans encore figurer la difformité, Browning la décrit et la laisse deviner par ce moyen-métrage sur une vengeance déchue. Le magicien Phroso y voit sa bien-aimée partir dans les bras d’un autre homme. Saisi par l’effroi, il chutera et en ressortira paralysé des jambes. C’est ainsi que «West of Zanzibar» expose, certes académiquement, mais pertinemment la vengeance qui se prépare tout le long du film. Muet exotique, il singe avec réussite les courbes transversales de l’expressionisme allemand avec l’apaisement nécessaire aux entertainments. Lon Chaney et ses regards racornis, exprimant l’écume de la vengeance, et Kalla Pasha, une Brigitte Helm apaisée, sont les calquages du modèle allemand par le truchement des conventions hollywoodiennes. En étant un écho transatlantique, «West of Zanzibar» s’en délivre également grâce au réalisme des décors de Cedric Gibbons. La réalisation de Browning ceind les scènes pour instaurer une ambiance oppressante. Le cinéaste réussit également à utiliser le mutisme de l’expression en donnant aux mouvements des images un corrélat singulier avec la narration, de telle façon que le pittoresque africain et ses traditions infiltrent tant l’image que l’histoire. Le format temporel du film, une heure, permet sa breveté d’expérience et ainsi la vigueur souffle passager mais enivrant. Browning use de dynamisme avec brio, si bien qu’il ne laisse aucun temps mort à l’évolution de l’histoire. Le spectateur, continuellement sollicité, saisi l’histoire en s’incarne dans l’aventure. Brève chronique dépaysante au Zanzibar, ce film méconnu de Tod Browning ouvre son statut de muet de studio aux environs de l’exploration, au temps encore où Hollywood se découvrait et vendait audace et charisme.