Film (devenu) culte des années 70 et véritable naissance artistique du génie John Carpenter, "Assaut" est, également, un film fondateur qui, en rendant hommage à "Rio Bravo" et autres "Alamo", est devenu le modèle du genre. Le poids de cet héritage m’avait, donc, rendu méfiant et j’avoue ne pas m’être précipité pour découvrir le film. A tort car il s’agit incontestablement d’un petit bijou qui rappelle, à l’heure des blockbusters truffés d’effets spéciaux et des scénarios inutilement alambiqués, que le cinéma doit être une expérience sensorielle où l’immersion du spectateur prime avant tout. Le début du film laisse, pourtant, entendre que le rythme ne sera pas sa qualité première avec la présentation des différents personnages, via un montage qui ne laisse pas forcément apparaître les liens à venir. Il fallait, pourtant, en passer par là pour que la recette de Carpenter puisse produire tous ses effets. Car, le réalisateur fait le choix de raconter une histoire simple (un poste de police est pris d’assaut par les membres d’un gang local) qu’il ne vient pas encombrer de sous-intrigues, qui sont, bien trop souvent, l’occasion d’égrener les poncifs les plus éculés. Point de love story entre deux inconnus, d’évocation du traumatisme d’enfance d’un personnage et, plus épatants encore, pas de développements concernant les agresseurs. C’est, peut-être le coup de génie de Carpenter qui, en décidant de faire des assaillants autant d’ombres fongibles et non identifiables, renforce considérablement la menace qu’ils représentent (combien sont-ils ? que veulent-ils ? qui sont les meneurs ?) et, ainsi, le sentiment d’immersion du spectateur. Carpenter n’hésite pas, du reste, à bien marquer ses effets, notamment au niveau du son (qui a un rôle primordial dans le chaos ambiant) ou au niveau du temps qu’il accorde aux attaques. A ce titre, la première vague de tir est d’une durée qui apparaîtrait déraisonnable chez d’autres metteurs en scène mais qui, ici, est tout simplement phénoménal, Carpenter multipliant, notamment, les plans sur les vitres brisées et autres impacts (plutôt que sur les tireurs ou les occupants du poste). L’impact des balles sur les corps des victimes est, également, très réussi puisqu’il refuse les effusions de sang grossières sans pour autant sacrifier la violence viscérale recherchée par le metteur en scène. "Assaut" privilégie, donc, l’action au sens le plus pur du terme et parvient à faire mal au spectateur… ce qui, à une époque où les tueries de masse cinématographique n’effraient plus grand monde, n’est pas sans intérêt. D’ailleurs, le film est, de manière générale, sans concession et c’est une autre de ses très grandes qualités.
Le meurtre parfaitement gratuit de la petite fille
en début de film donne immédiatement le ton au récit… et durera jusqu’à sa conclusion. Il est, d’ailleurs, intéressant de noter que Carpenter, qui arrête son film
juste après l’arrivée de la cavalerie
, ne juge pas utile d’apporter à une réponse à toutes les questions posées par son intrigue
(notamment concernant le sort des assaillants qu'on voit fuir)
ou, plus généralement, de tout sur-expliquer. Le réalisateur aime, également, prendre son public à contre-pied en ne lui donnant pas forcément ce qu’il attend. L’exemple le plus symptomatique est, bien évidemment, le personnage le plus fun du film, à savoir le criminel Napoléon Wilson (Darwin Joston, excellent). Présenté initialement comme le bad guy du film, il fait rapidement preuve d’un charisme et d’une cool attitude qui le rendent immédiatement sympathique
et va jusqu’à faire preuve de droiture dans l’adversité pour laquelle il ne sera, d’ailleurs, pas récompensé, le tout sur fond de mystère concernant l’origine de son surnom… qui restera un mystère
. A ses côtés, le héros du film, le flic Bishop (Austin Stoker) n’est pas forcément en reste et surprend par sa relation avec son prisonnier et sa capacité à faire des erreurs de jugement. On est loin du héros américain moyen droit dans ses bottes. Enfin, la secrétaire Leigh (Laurie Zimmer) est épatante avec son jeu atypique qui l’éloigne des standards basiques de la bombasse nunuche qui sert à faire jolie. Mine de rien, le trio vedette est composé de trois figures plus qu'inhabituelles pour l'époque (un Black, un criminel et une femme forte), ce qui en dit long sur sa modernité et le côté visionnaire de son réalisateur. Enfin, comme toujours chez Carpenter, la BO, qu’il signe lui-même, est une petite merveille omniprésente qui vient rythmer le film et lui apporte une véritable plus-value. Bref, "Assaut" n’a pas usurpé sa flatteuse réputation et peut se vanter d’être un des films d’action les plus purs qui soient. La comparaison avec son remake de 2005, pas totalement raté mais beaucoup plus poussif, achève de le confirmer !