Ce film marque les débuts au cinéma d'Agnès Varda et de Philippe Noiret, tous deux issus du Théâtre national populaire. Varda y travaillait en tant que photographe et Noiret y développait son art de comédien, aux côtés de Jean Vilar et de Gérard Philipe.
Tourné avec peu de moyens, dans des décors naturels et avec de nombreux acteurs non professionnels (les habitants du village de pêcheurs), La Pointe courte marque aussi, pour les historiens du cinéma, les prémices de la Nouvelle Vague. Il est vrai qu'il y souffle un esprit de liberté et d'expérimentation. Mais le film n'est pas exempt de contradictions entre des motivations réalistes et formalistes. D'un côté, la recherche d'une spontanéité d'observation, la captation simple des faits et gestes des pêcheurs et de leurs familles, l'interprétation approximative de ces acteurs d'un jour. De l'autre, des choix de mise en scène qui aboutissent à des poses artificielles, des textes très écrits, une interprétation principale (celle de Noiret et de Monfort) qui demeure théâtrale. Cette opposition fait sens, d'une certaine façon, puisque le film évoque deux mondes distincts, aux préoccupations bien différentes : une communauté pauvre, solidaire et chaleureuse, confrontée à des soucis matériels et concrets ; un couple de bourgeois en crise, focalisé sur l'analyse intellectuelle du sentiment amoureux. Mais cette dichotomie est un peu schématique et maladroite.
Plus convaincant dans son approche réaliste du contexte local que dans son drame psychologique, le film n'en est pas moins, globalement, agréable à suivre et beau à regarder. On se laisse facilement bercer par le rythme de déambulation proposé par une caméra mobile, fluide, et par un montage (réalisé par Alain Resnais) qui laisse le temps au temps. On apprécie surtout la qualité des plans (cadrage, lumière...), souvent très graphiques, et cet oeil de photographe sensible au détail et à la poésie du quotidien. Une qualité qu'Agnès Varda développera dans la suite de sa carrière, aussi bien dans ses documentaires que dans ses fictions.