Il m'a fallu trois visionages pour arriver au terme de Crash (c'est la seule fois où j'ai quitté une salle de cinéma en plein film), avec un mélange de fascination, de dégoût, avec surtout un acharnement que je ne m'autoriserais plus aujourd'hui. Tout cela remonte un peu mais je n'ai rien oublié des sentiments qui m'ont traversé pendant le film.
David Cronenberg consacre toute sa filmo de l'époque à la relation homme-machine et aux mutations humaines. ExistenZ finira sur ce thème avec les "joysticks" vivants ou les pistolets squelettes. Avant, il y avait eu le Festin Nu (machines à écrire organisques), Videodrome (les scènes de la VHS qui sort du ventre et a contrario de l'homme qui sort de la TV), La Mouche (les fameuses machines) ou Faux Semblants (les objets gyneco), etc.
Crash avait fait scandale à l'époque, pourtant il est exactement là où il doit être, tant il est dans le moule Cronenberg du moment. La relation homme-machine n'a jamais été aussi évidente, les mutations (ou mutilations ici) humaines également. Continuité donc. Mais jamais Cronenberg n'avait été aussi loin dans le malsain et le glauque, et au final, c'est ça qui fait choc. Il va encore plus loin que dans Faux Semblants ! Quand dans ses autres films, il habillait ses fantasmes de mondes fantastiques ou SF qui autorisaient l'évasion, il nous laisse complètement dans le monde réel avec Crash. Ce qui était fantasmé semble devenir réel, et il faut vraiment s'accrocher pour tenir le choc. En ce sens, Crash est un film modèle, celui qui ose pousser au plus loin les limites du monde de Cronenberg.
Mais à côté de ça, Crash n'a pas de fil conducteur, pas de tempo. Il montre des choses, magnifiquement, mais ne raconte pas assez. Il laisse le spectateur perplexe face à son érotisme froid, sa violence insinuée, son absence de respect des codes. Et il le perd.
Crash n'est pas un film, ou pas vraiment, c'est une expérience. Je pense qu'elle mérite d'être vue, mais clairement, elle ne plaira pas à grand monde. Pour moi, il est impossible de noter quelque chose comme ça. C'est choquant, bouleversant, troublant, hypnotisant, pénible, malsain, glauque, froid, chiant, génial, culte, etc. Voilà, 3 étoiles qui en valent 5 sur certains aspects et 0 sur d'autres.