Ce film porte très clairement une double signature : celle de son scénariste, Pier Paolo Pasolini et celle de son réalisateur, Mauro Bolognini.
Pier Paolo Pasolini adapte, ici, son propre roman (« La notte brava ») et passera à la mise en scène deux ans plus tard avec « Accatone ». On retrouve dans « Les garçons » son intérêt pour la marge de la société italienne et pour les petites frappes violentes et amorales. Les personnages principaux du film sont, en effet, des petits voleurs se vantant de ne jamais travailler (interprétés par Laurent Terzieff et Jean-Claude Brialy, le film est une co-production franco-italienne) ou des prostituées (interprétées par Elsa Martinelli et Antonella Lualdi).
Cette oeuvre qui prend la forme d’une déambulation désordonnée dans Rome aurait pu être traitée dans un style néo-réaliste. Il n’en est rien puisque c’est Mauro Bolognini qui en est le réalisateur : tous les acteurs principaux sont beaux, la photographie est très travaillée, la mise en scène est au cordeau. Bien entendu, les déclassés de la société peuvent être méchants comme ici, mais il y a des chances qu’ils soient aussi affreux et sales pour reprendre les adjectifs du célèbre film d’Ettore Scola. Pourtant, l’« esthétisme » de Bolognini ne décrédibilise pas ses personnages, ni ne fige ce film dynamisé par un mouvement constant.
Ce ne sont pas les scènes superbes qui manquent : des passes, à la campagne sous le soleil et la fine pluie de l’arrosage automatique où les garçons veulent partir sans payer et les filles leur voler leur argent, une rencontre avec des jeunes nantis se terminant par une scène où, dans une atmosphère homoérotique, tous les « garçons » sont alanguis, dans un salon bourgeois jusqu’à ce que le personnage de Laurent Terzieff ne rencontre, pour un coup d’un soir, la sœur de l’un de ses hôtes jouée par la magnifique Mylène Demongeot. Même s’il n’y a pas de nudité, cette succession d’aventures sans lendemain a valu au film une interdiction aux moins de 18 ans dans l’Italie de la démocratie chrétienne.
Si les diverses rencontres du film semblent le fruit du hasard, elles s’inscrivent dans une mise en scène et un scénario qui ne doivent, eux, rien au hasard, nous décrivant, avec constance, des personnages, prêts à toutes les bassesses et trahisons, pour l’argent qui semble être leur unique moteur. Il n’y a pas de solidarité, ici, dans les classes populaires. Le catholicisme et même l’institution familiale ne sont qu’un très fragile vernis comme dans une scène où un receleur se goinfre lors de l’enterrement de sa femme et affiche une peine feinte alors que nos deux trafiquants insistent lourdement pour conclure une transaction malgré les circonstances. La famille des deux garçons est, par ailleurs, totalement absente de l’écran. Seules les scènes finales de « tournée des grands ducs » avec Rosanna Schiaffino et Laurent Terzieff durant lesquelles s’esquissent de la nostalgie et, peut-être, des sentiments apportent une autre tonalité au film.
Pasolini et Bolognini en étaient, avec ce film, à leur troisième collaboration, ils se retrouveront l’année suivante, en 1960, pour l’excellent « Le bel Antonio » et « Ça s’est passé à Rome », un autre film réussi de déambulation qui met en scène, non pas des jeunes gens pauvres et oisifs, mais un jeune parent pauvre en recherche d’emploi. Quelle vitalité dans le cinéma italien de l’époque !
Encore une grande réussite du si méconnu ou sous-estimé Mauro Bolognini.