Un film tout ce qu’il y a de plus malsain. En effet, "Les chiens de paille" se révèle particulièrement misogyne, réac et, si on lis entre les lignes, homophobes.
Le sexisme d’abord. On peut déjà noter que les deux femmes du film sont l’une tuée et l’autre violée. Ce dernier personnage, l’épouse du héros (jouée par Susan George), est totalement dénué de finesse psychologique puisqu’elle n’est finalement rien d’autre qu’une femme enfant désirable. Peckinpah semble même penser que toutes les femmes sont des « chiennes » dont le seul désir est d’être possédée pas un homme, un vrai. C’est particulièrement visible lors du viol, plus qu’ambigu. Car bien sûr, la vérité est qu’elle n’attendait que ça ! Les quelques flashs de la jeune femme sensés traduire le traumatisme causé par cet événement relèvent dès lors plus du voyeurisme que de la nécessité. De plus, elle se révèle de la même espèce que les villageois puisqu’elle n’aurait aucun scrupule à leur livrer Henry (l’idiot du village) et qu’elle n’a aucun respect pour son mari (elle méprise son métier de mathématicien, pas assez viril pour elle).
Et on arrive alors au deuxième point, l’idéologie réactionnaire. Peckinpah n’essaye même pas de cacher son mépris pour les intellectuels, incarnés ici par Dustin Hoffman. Au début du film, il est présenté comme un lâche, inadapté au monde extérieur à son bureau… Ainsi, on le voit trébucher sur une pierre, être incapable de ramasser une caille qu’il a tué… et comble de tout, n’ose passer ses nerfs que sur son chat. De plus, il faut dire qu’il est indirectement responsable de la mort de l’adolescente qui, amoureuse de lui et déçue par le peu d’intérêt qu’il manifeste à son égard, aguiche un peu trop l’idiot du village. Comme quoi, il ne vaut mieux pas s’enticher d’un intello, ces sous-hommes ! Le mépris des villageois à son égard semble donc légitime. De ce fait, aucun problème à ce qu’ils se moquent de lui quand il tente sans succès de démarrer sa voiture ou jettent un regard ironique sur ses chaussures (les mêmes que sa femme !).
Le mépris de Peckinpah pour son personnage se change tout-de-même en admiration lorsqu’Hoffman se métamorphose lui-même en sauvage. Son retour à une certaine forme d’« état naturel » commence dès lors que, pour défendre Henry, il accepte d’user de la violence. Et s’est seulement là qu’il obtient le respect de son épouse, auparavant si méprisante. Il la brutalise, lui tire les cheveux (reproduisant le geste de l’un des « violeurs »)… et occupe enfin sa place d’homme de la maison, dominant sa femme qui le regarde alors avec adoration et lui obéit docilement.
La joyeuse musique irlandaise alors que Hoffman tue un des agresseurs avec une barre de fer (qui n’est pas sans rappeler le singe tuant un de ses congénères dans "2001, l’Odyssée de l’espace") célèbre la naissance d’un nouvel homme, le triomphe du sauvage Hoffman sur l’intellectuel Hoffman.
La morale du film est donc plus que discutable et rappelle sur de nombreux points "Délivrance" de Boorman : la lente mais inexorable montée de la violence, la dénonciation de l’idée du « bon sauvage » de Rousseau… Mais là ou Boorman montre l’état sauvage dans toute son horreur pour le dénoncer, Peckinpah semble en faire l’apologie. En clair, un film parfaitement méprisable.