"From Dusk Till Dawn" est probablement l'un des films les plus farfelus qu'il m'ait été donné de voir : la première partie se compose du banal principe du road-movie (deux gangsters prennent en otage des civils, tous plus mous & faiblards les uns que les autres, & roulent en direction du Mexique, afin d'échapper aux forces de l'ordre), & le rebondissement face auquel nous confronte la deuxième partie est digne d'un très mauvais téléfilm : subitement, après une heure de film centrée sur la relation truand/victime, on se retrouve dans une fiction horrifique basée sur les vampires. Navet donc ? Non.
Je m'explique : Tarantino, ici à la fois scénariste & acteur, nous met face à la situation la plus burlesque du cinéma. Un passage soudain de la réalité à la fiction. Mauvaise soupe pour certains, cocktail détonnant pour d'autres : ça n'en reste pas moins qu'une prouesse d'habileté (même si la séparation des deux chemins cinématographiques s'opère assez brutalement). Là où l'on aurait pu croire au paradis après le passage de la frontière mexicaine, c'est l'enfer qui attend nos protagonistes. Preuve en est pour Pulp Fiction ou Inglorious Basters : Tarantino aime faire mourir les personnages auxquels on s'attache.
Concernant le jeu des acteurs, il est sans faille : un des premiers grands rôles pour Clooney (& il s'agit d'une réussite), l'apparition de Tarantino (comme dans la plupart des films auxquels il participe), de Juliette Lewis, & en guest, on a le droit au trio explosif constitué de Salma Hayek, Danny Trejo & Tom Savini ! Un régal au niveau du casting.
Cependant, pour la réalisation, on peut constater quelques faiblesses : bien que la première partie du film soit un vrai régal pour les sens (le regard attisé intelligemment par diverses tactiques de tournage ; l'ouïe charmée par les échanges entre les protagonistes ou les musiques typiquement texanes, comme celles de ZZ Top), la deuxième partie souffre d'une mauvaise maitrise du genre. En somme, Robert Rodriguez n'est pas le seigneur de l'épouvante, loin de là. Même si les costumes/maquillages sont plutôt réussis dans l'ensemble, leur articulation est bâclée. Les incohérences & les facilités de réa' se multiplient dans la dernière demi-heure du film. Certains penseront, en apercevant les vampires du Rodriguez, à la "Chose' de Carpenter, ou aux démons de Sam Raimi : mais non, monsieur Rodriguez, Evil Dead & The Thing furent réalisés au début des années 80, & l'on se doit de pardonner la faiblesse des effets spéciaux. Nous sommes en 96 lors de la sortie d'Une Nuit en Enfer, & il est inadmissible, pour un long-métrage si ambitieux, d'inclure une mise en scène si pauvre. Toutefois, on pardonnera très vite cette erreur pour laisser place au divertissement : plutôt que la frayeur, le public s'amuse de la situation des humains face aux suppôts de Satan.
Une fin prévisible, & pourtant très maussade : "je te paie pour que tu oublies que c'est par ma faute que ton père & ton frère est mort. Prends le vanne & vis ta vie, sans aucune famille pour te soutenir : même si tu es mineure, il y aura bien un bar à putes pour t'engager, après tout, nous sommes au Mexique".. Mouais. Toutefois, l'image finale (le temple précolombien, mythes vampiriques, etc) impressionne, & laisse des questions trotter tranquillement dans notre esprit. On s'attend à un approfondissement du sujet, malgré la pauvreté de son intérêt. Une seule question persiste : les suites de ce film sont-elles dignes d'être vues ?