La campagne est non seulement le lieu de tournage de prédilection de Manuel Poirier, mais elle joue un rôle primordial dans les motivations et comportements de ses personnages. Prenez "A la campagne" justement, son premier film, qui montrait un ancien citadin perturbé par la présence d'une femme venue de la ville, et finalement desequilibré par son départ impromptu. Dans Marion, la campagne a de nouveau un impact psychologique important : un couple de parisiens aisés, en visite dans un coin perdu de Normandie, est tenté par lappropriation pure et simple de Marion, la fille des villageois du coin. La spontanéité des murs villageoises, et la réminiscence d'instincts ségneuriaux vont créer une situation de type moyennageux. La première qualité du film est sa vision réaliste de la vie campagnarde et des comportements qui lui sont attachés. Manuel Poirier décrit lunivers auquel il appartient aux cours de scènes collectives (réunions de village, discussions de bistrots) qui sonnent juste. Son cinéma se rapproche plus de l'hommage que du constat ou de la satire. Pourtant, il évite de faire une caricature qui opposerait l'immoralité des citadins à la saine vie des campagnards. A aucun moment on ne ressent de mépris pour les parisiens car ce sont eux, malgré leur situation de domination sur les villageois, qui révèlent leur grand vide relationnel au travers de cette histoire. Habile et fin psychologue, Manuel Poirier évite ainsi de tomber dans le piège du constat social à sens unique. Ainsi, la famille nombreuse de Marion est décrite sans complaisance, avec ses faiblesses (lhésitation coupable du père devant la demande des citadins, le mensonge, la tricherie avec E.D.F.) destinées à surmonter les difficultés économiques. Linterprétation contribue à la réussite de ce film sincère qui sapparente à un conte de fées avorté.