Si les frères Cohen sont devenus des incontournables du cinéma américain, au moment de la sortie de Fargo en 1996, Joel et Ethan avaient déjà acquis une petite notoriété, mais rien de comparable avec aujourd'hui. Ce long métrage marquait déjà leur 6ème réalisation. Personnellement, je trouve que Fargo constitue un moment clé dans la carrière de ces deux hommes. En effet, la patte, l'intelligence, le style des frères Cohen se font pleinement ressentir, l'humour décalé est pleinement assumé même s'il s'agit d'un film dramatique.
Fargo se déroule en grande partie dans le Minnesota et un petit peu dans le Dakota du Nord. Ce film nous raconte l'histoire de Jerry Lundegaard. Un homme qui travaille dans une concession automobile appartenant à son beau-père, un richissime homme d'affaire. Si ce dernier est un homme respecté qui a bien réussi dans les affaires, notre héro lui est l'exact opposer. Alors qu'il veut se lancer dans un projet qui lui permettrait de faire fortune et face au refus de son beau-père de l'aider Jerry Lundegaard décide de faire kidnapper sa femme et de demander une rançon à son beau-père pour financer son projet. Pour mettre à bien son projet, il embauche des malfrats chargés de kidnapper sa femme. Mais rien ne se passe comme prévu et lorsque plusieurs meurtres sont commis, la chef de la police locale, une femme naïve au premier abord, mais qui possède un incroyable pouvoir de déduction va mettre son grain de sel dans l'histoire.
A de nombreux égards Fargo ne ressemble à aucun autre film. Tout d'abord, le choix des décors est particulièrement frappant en tournant au fin fond du Minnesota où l'on ne voit rien d'autre que des espaces blancs à perte de vue, ce film nous donne l'impression qu'il s'agit d'un endroit où l'hiver est éternel. Cela donne aussi un effet quel que peu morbide, cette absence de couleur et ce désert blanc à perte de vue. D'autre part, ce film est aux antipodes de ce que recherche les réalisateurs d'aujourd'hui. En effet, oubliez les femmes et les hommes beaux, sexy et intelligent, l’héroïne du film est une femme enceinte qui passe son temps à manger. Les héros ressemblent à tout sauf à des dieux grecs. Brefs, ici les frères Cohen sont très loin de faire l'éloge de la beauté. Il s'agit plutôt de mettre en avant la médiocrité, d'hommes et de femmes vivant simplement et n'aspirant qu'à peu de choses. Au final le seul personnage ambitieux et le méchant. Enfin, ce qui rend ce film si singulier, c'est l'humour sous jacent qui ne nous quitte pas tout au long du film. Il ne s'agit pas d'une comédie loin de là mais les répliques, le jeu des acteurs tout prête à sourire. Pourtant, on ne rit pas car la réalisation est tellement subtile et les dialogues tellement fins que tout cela reste enfoui.
Pour finir, il est important de parler des acteurs, et notamment du seul personnage féminin fort du film Frances McDormand (madame Joel Cohen) qui a reçu l'oscar de la meilleure actrice pour Fargo et qui est tout simplement d'une justesse incroyable. Face à elle William H. Macy (le chouchou des fans de Shameless) nous livre lui aussi une performance géniale. Enfin, l'inimitable Steve Buschemi (un acteur clé dans plusieurs films des films des frères Cohen) dont vous vous souviendrez. Enfin Peter Stormare que beaucoup connaissent grâce son rôle de John Abruzzi dans la série Prison Break fait froid dans le dos dans ce film.