C’est maintenant que je me rends compte que même le titre du film est à double sens. Ça ressemble au nom d’un bled, en même temps c’est un jeu de mots qui veut dire : pars, loin ! Moi j’ajouterais, le plus loin possible de ce lieu triste, rempli de fous, où il n’y a jamais de soleil. Et jamais un idiot pour rattraper les bourdes d’un autre idiot. Le talent des frères Coen a un point culminant. Arriver à faire un film éminemment drôle, avec une histoire (vraie), absolument horrible et dramatique, c’est rare. On rit, mais d’un rire enrayé, un peu glauque. Face à ces têtes toutes droit sorties d’un journal page fait divers. Avec ses sourires vides, qu’on se demande tout le temps si c’est sur-joué, sous-joué, caricaturé, sans jamais trouver de réponse. Ils sont vraiment cons à ce point dans ce patelin ? Ils marchent comme des robots qui ont un sérieux manque en vitamine A. Leur dialecte on n’y comprend rien. Même quand ils se parlent entre eux, on a l’impression qu’ils ne se comprennent pas. Et je vous rassure tout de suite, que se soit en français ou en anglais, on ne comprend rien à ce qu’ils racontent. C’est filmé avec la haine du plan inutile, et un sang-froid de pierre tombale, doublé d’une clairvoyance digne d’Œil de Faucon. Le résultat ? Frances Mc Dormand, qui dirige l’enquête, enceinte jusqu’aux yeux, est à mourir de rire avec sa démarche de pingouin, et ils sont tous comme ça. Autant en rire. Une direction d’acteurs impecc, les personnages d’un film n’ont jamais été aussi proches de schémas. Ça fonctionne parce que ce film est un tableau de l’âme humaine, pas toujours reluisante. Ça marche comme dans un tableau, ce film me rappelle la solitude que l’on ressent dans les peintures d’Edward Hopper. Humour noir, film noir, manteau blanc, chapeau bas. Quoi d’autre ?