Voilà un film profondément ennuyeux, pénible à l’oreille tant le jeu monotone des acteurs est insupportable.
Puis, après visionnage, je me surprends à ne pas oublier ce film ; persuadé qu’il croupit au fond de la corbeille de mon cerveau, il trotte dans ma tête contre toute attente. Au point de me demander si Agnès Varda n’a pas volontairement assumé le côté très niais du récit pour mieux en dévoiler l’inverse de ce qu’elle nous raconte !
J’extrapole mais cette extrapolation me permet de reconsidérer le film.
Si je l’accepte tel que je l’ai vu, ressenti de façon brut, c’est un film insupportable, tellement mal incarné, un film terriblement vieillot, comme on en fait plus.
Les Pagnol, les Duvivier, Grémillon, Sacha Guitry par exemple ont évidemment vieilli en terme de plans et encore pas toujours, mais ils conservent un certain charme et les thèmes abordés et les dialogues peuvent rivaliser avec ceux d’aujourd’hui.
Ce sont des automobiles de collection, bien entretenues qui roulent encore et qui attisent la curiosité des voyeurs et autres amateurs.
Mais là « Le Bonheur », c’est une 4L, rouillée qui repose sur des parpaings au fond d’une ferme !
J’opte pour une niaiserie assumée.
Le bonheur sue de partout, à chaque plan, dans les dialogues, dans la musique, dans la composition de la photo.
Tout est lisse.
Le bonheur c’est dire la vérité, ne pas mentir, avouer ses sentiments ; parler de sa femme et de ses enfants à sa maîtresse sans que celle-ci ne s’en irrite.
Le bonheur c’est le déclamer sur un ton monotone, sans aucune aspérité, c’est accepter d’être trompée avec le sourire !
Le bonheur s’est se suicider pour s’effacer au profit d’une autre afin que son homme soit pleinement dans le bonheur !
Le bonheur c’est le droit de vivre l’adultère sans scrupule, l’esprit tranquille.
Le bonheur c’est tout l’entourage, le patron, les employés, les clientes, les passants, ce ne sont que sourires aux lèvres, dents blanches ; un environnement aseptisé, tout est coloré à l’extrême.
Le bonheur c’est se consoler le temps d’un été du deuil de sa femme.
Le bonheur c’est se marier au plus vite avec sa maîtresse, l’aider à apprivoiser les enfants pour palier la mort d'une maman disparue prématurément.
Dois-je penser qu’Agnès Varda se voulait moderne dans la mesure où son récit doit être pris à contre pied ?
Ne pas prendre les images brute de décoffrage, mais lire entre les images.
N’a-t-elle pas créé un monde volontairement aseptisé, complètement anesthésié par le bonheur ? En ne portant aucun jugement moral sur le comportement de François, Agnès Varda n’a-t-elle pas créé un monde hors du temps, irréel, une sorte de Paradis artificiel en faisant de ses personnages des benêts, des nains de jardin ?
Son récit ne serait-il pas une parodie ce qui expliquerait ces sourires et cette diction exagérément forcés ?
Ainsi, je pourrais en conclure qu’elle ne cautionne pas le comportement de François.
Ce qui me rassurerait, je crois Agnès Varda militante féministe.
Je pourrais aussi en déduire qu’elle n’a pas trouvé utile de donner un droit de réponse à Thérèse.
Là n’était pas son propos.
Le bonheur ne pouvait être que masculin. La notion d’adultère est une signalisation à sens unique, celle conduite par la femme. L’homme qui trompe sa femme n’est pas considéré comme « relation adultère »…
Pourtant, il aurait été intéressant que Thérèse ait à son tour un amant. En agissant comme son mari, François aurait-il reconsidéré sa définition du bonheur ?
Mais Agnès Varda veut s’inscrire dans une époque où la femme subit, se résigne d’être trompée comme si c’était dans l’ordre des choses, comme si c’était un passage obligé.
Agnès Varda noie Thérèse.
Je ne crois pas du tout à la thèse de l’accident, les images fugaces qui alimentent la peine de François quand il prend dans ses bras le corps inerte de sa femme noyée, sont une projection de son interprétation. Il ne peut pas envisager autre chose qu’un accident ; il ne peut pas penser que Thérèse ait mis fin à ses jours.
L’amour qu’il porte à ses deux femmes est sincère, je n’en doute pas. Mais il ne peut pas s’imaginer que Thérèse se soit suicidée après ses aveux. Il la pense comme lui. Persuadé qu’elle est heureuse avec lui, elle ne peut que partager sa notion du bonheur.
Et là, le film, pour le coup, est glaçant de froideur car le bonheur tel que je l’ai décrit plus haut est bien artificiel.
Un trompe l’oeil.
La parodie vire au drame comme pour rappeler aux spectateurs que le bonheur n'est pas une corde que l'on tire indéfiniment.
Non seulement François est égocentré, mais c'est un égoïste malfaisant.
Je ne pensais pas que « Le bonheur » d’Agnès Varda, membre de la Nouvelle Vague m’aurait tant fait écrire.
Toutes ces lignes sont certainement inutiles, dans ce cas, j’en reste à ma première impression :
« Le bonheur » est un film profondément ennuyeux, mal dirigé, j’ignore si l’intonation monotone est voulue, si c'est une des particularités de la Nouvelle Vague, peu importe, je déteste !
C’est niais et terriblement dépassé.
Toutefois, si j’opte pour une Agnès Varda qui assume la niaiserie, « Le Bonheur » mérite au moins 3 étoiles !