Rapidement après sa naissance à la fin du XIXème siècle, le cinéma est devenu une industrie qui s’est en quelques années répandue à travers le monde, mobilisant de plus en plus de moyens, se transformant aussi parfois en outil de propagande. Hollywood est l’archétype de la production de films pensés et conçus en fonction de la rentabilité potentielle qu’il peuvent générer. Les carrières des réalisateurs, acteurs, scénaristes et techniciens de premier plan sont alors indexées sur leur capacité à mobiliser le public. Diverses subventions publiques viennent parfois équilibrer l’hyperréalisme du système en place, notamment en France. Mais certains réalisateurs farouchement indépendants et souvent iconoclastes ou pour le moins originaux ont su à travers les décennies se frayer un étroit chemin en restant en marge des grands studios. Souvent condamnée à la marginalité, l’œuvre singulière de ces « excentriques », curieuse, originale, parfois confuse mais souvent attachante, fait le plaisir des cinéphiles aimant à se laisser entraîner de temps à autre sur les chemins de traverse. Ivan Govar, fils de l’artiste-peintre belge Jean Govaerts fait partie du nombre de ces réalisateurs la plupart du temps restés dans l’ombre qui sont parfois redécouverts longtemps après leur période d’activité. Né à Uccle en 1935, Ivan Govaerts se destine tout d’abord à la carrière d’acteur de théâtre pour s’orienter très vite vers la réalisation. C’est à 22 ans qu’il dirige son premier long métrage, devenant alors le plus jeune réalisateur européen de son époque. Cahin-caha, pendant une petite décennie, Ivan Govar au moyen de co-productions franco-belge très modestes parvient à mettre en scène sept films qui ont été taillés en pièces par une critique française n’ayant d’yeux à l’époque que pour Nouvelle-Vague . Profondément blessé par l’accueil réservé à son travail fait avec sincérité, application et sans prétention, Ivan Govar abandonne définitivement le cinéma à seulement 30 ans pour demeurer en Belgique où sa fortune familiale lui permet de se consacrer au théâtre et à l’enseignement jusqu’à sa mort en 1988. Il aura malgré cette carrière météorique infructueuse réussi à attirer devant sa caméra une belle brochette d’acteurs en ascension comme Jean-Pierre Marielle, Philippe Nicaud, Michel Le Royer, Jacqueline Maillan, Annette Stroyberg et Catherine Sauvage ou d’autres très renommés mais un peu en perte de vitesse comme Michel Simon, Pierre Brasseur, Jean Servais ou Raymond Rouleau. Œuvrant principalement dans le domaine du film à suspense qu’il soit policier ou d’espionnage, Ivan Govar avec la faible expérience et l’échelle qui étaient les siennes tentait de s’inspirer de cinéastes renommés venus des années 1935 à 1950 comme Henri-Georges Clouzot, Christian-Jaque, Jacques Becker et parfois encore Pierre Chenal. Laissant la bride sur le cou à des acteurs plus expérimentés que lui ou cabotins comme Brasseur ou Simon, Govar sincère et très appliqué dans l’apprentissage de son métier, se concentre sur le déroulement de ses intrigues qu’il tente de rendre le plus fidèlement possible. Pari le plus souvent réussi
même si certaines lacunes narratives peuvent déstabiliser un instant le spectateur trop exigeant. Ainsi « le toubib, médecin du gang » (1958) qui voit un médecin rayé de l’ordre devenu le toubib du milieu, accepter de participer à un hold-up pour sauver son fils. « Y’en a marre » (1958) où des agents secrets à la recherche de la liste de tous les malfrats influents se font abattre jusqu’à ce que l’un d’entre eux plus coriace et retors ne face irruption. « Un soir…par hasard » (1963) film très étrange au parfum fantastique dans lequel un célèbre savant atomiste victime d’un accident de moto est recueilli par un couple semblant hors du temps. « Que personne ne sorte » (1964) huis-clos tragi-comique inspiré du « Dernier des six », roman de l’écrivain belge Stanislas-André Steeman qui met en scène le fils du détective Wens héros du film éponyme de George Lacombe (1941) mais surtout du fameux « Assassin habite au 21 » (1942) d’Henri-Georges Clouzot. Enfin « Deux heures à tuer » (1965), dernier film de Govar, scénarisé par le poète Bernard Dimey, « who done it » astucieux, confiné dans la salle d’attente de la petite gare d’Auvernaux (Essone) aux abords de laquelle sévit un tueur en série
. Cinq films tous plaisants qui sans être des chefs d’œuvre dégagent une atmosphère très particulière mais aussi reconnaissable de l’un à l’autre qui peut laisser penser que si Ivan Govar avait reçu plus de soutien et surtout moins d’opprobre, il aurait certainement pu étoffer un talent qui ne demandait qu’à éclore. Cette critique est donc un hommage d’ensemble rendu à la courte filmographie d’un homme qui aura fait de son mieux pour s'inscrire modestement dans les pas des grands maîtres qui l’ont précédé. C’est déjà beaucoup dans une vie.