Bon, d'accord, la situation de départ n'a rien de très nouvelle : un beau gosse missionné pour séduire une riche héritière et qui en chemin tombe sous le charme de la belle, c'est le synopsis de nombreuses comédies romantiques. Pourtant, Pascal Chaumeil renouvelle le genre, en inventant ce métier si particulier de briseur de couple. La scène d'ouverture nous permet d'admirer la technique très au point des trois Pieds Nickelés, avec fausse vaccination d'enfants marocains et envol de colombes, puis sa déclinaison sous divers aspects : chanteur de gospel, joueur de curling, caillera ou serveur de barbecue coréen. Mais attention, nous n'avons pas affaire à un vulgaire suborneur : Alex a des principes, et il ne s'attaque qu'à des femmes dont il pense que la rupture sera bénéfique.
Décliné de la sorte, le principe de la bergère méfiante et du ramoneur perfide avait de bonnes chances de faire mouche. Mission à moitié remplie, avec en positif le choix de mélanger stéréotype et autodérision pour les deux acteurs principaux. Vanessa Paradis définit son personnage comme "glamour avec du peps, autoritaire et pêchu", et elle apporte son image d'icône tout en acceptant de l'écorner, et c'est assez jubilatoire de voir la chanteuse de Divine Idylle en fan absolue de Georges Michael et de "Dirty Dancing".
Romain Duris nous rappelle qu'avant Audiard et Chéreau il a été un acteur de comédie avec Cédric Klapisch, et il est parfait dans ce registre digne de Bebel dans "Le Magnifique", avec une mention particulière pour sa technique lacrymale, et un clin d'oeil au pianiste de "De battre mon coeur s'est arrêté". Les seconds rôles complètent cette distribution efficace, avec une Julie Ferrier dont la sobriété bienvenue tempère l'hyperactivité de ses deux compères, et un François Damiens belgissime qui n'a peur de rien, ni du taser ni du ridicule.
En négatif, la gestion ratée de la difficulté principale de toute comédie romantique, à savoir le maintien de la tension narrative quand la comédie laisse la place à la romance, et du coup un contraste voyant entre un rythme artificiellement survitaminé en première partie et un amollissement dans la deuxième partie. Autre bémol, la ligne rouge de la vulgarité parfois franchie avec le personnage de Marc et surtout avec celui de la copine nymphomane jouée par Héléna Noguerra. Il y a deux ou trois scènes où on rit franchement (celle de l'insensibilité de la cuisse, par exemple), quelques autres où on sourit et une bonne moitié du film où on attend.
Le scénariste Laurent Zeitoune dit s'être inspiré de "New York-Miami". Il rejoint en cela deux autres comédies françaises tournées elles-aussi dans les palaces de la Riviera : "Quatre étoiles" et "Hors de Prix" ("La Fille de Monaco" partageait le même décor, mais pas la même ambition), et à l'instar de ces deux films, il ne fait qu'approcher par intermittence la grâce des oppositions de personnages, le sens implacable du rythme et la virtuosité des dialogues des maîtres de la Screwball comedy.