Jean-François Davy m’avait bluffé avec deux documentaires que j’avais vus de lui sur le milieu de la pornographie. J’ai donc décidé de continuer mes investigations dans son cinéma, en changeant un peu et en regardant Prostitution. Et je découvre quoi : encore un film d’une époustouflante beauté et sincérité. Une claque, et même encore plus forte que sur Exhibition car s’il y a des moments d’une ineffable drôlerie, il y a aussi plus de tristesse, ce qui se ressent chez certaines intervenantes.
Davy a procédé comme pour ses autres documentaires : il s’efface, pose quelques questions, mais laisse les intervenantes et intervenants aussi témoigner presque librement, voire virer au hors-sujet. On sent vraiment que c’est direct, fait en une prise, sans retouche et coupe intempestives, et c’est même parfois franchement borderline (il y a des passages j’imagine les coupes qu’on l’obligerait à faire !). Tout cela donne une authenticité au film des plus plaisantes, en dépit des quelques séquences reconstituées peut-être à la présence un peu intempestives parfois, mais pas foncièrement gênantes.
En tout cas les témoignages compensent largement les petits désagréments que certains pourront rencontrer avec les scènes érotiques. C’est vraiment énorme. Encore une fois Davy ne cherche pas à nous assener des chiffres, des jugements, il donne la parole aux intéressés, et ce sont de superbes portraits, tranches de vie. D’un côté il y a des anecdotes d’une drôlerie inimitable (il y a une histoire de petits pois c’est à mourir de rire !), de l’autre beaucoup d’émotion, de tristesse affleurante, de gravité. On sent que c’est la vie quoi, et c’est d’une telle sensibilité, d’une telle fraicheur, prise sur le vif, que c’est vraiment saisissant.
En plus Davy a fait des choix très bons, musicalement parlant, et il saisit aussi toute une époque. Le témoignage du travesti est incroyable par exemple, et il y a énormément de résonnance avec ce qu’on peut vivre aujourd’hui.
Honnêtement je conseille vraiment totalement ce film. En plus il est moins hard que les documentaires du réalisateur sur la pornographie. C’est authentique, c’est drôle, c’est triste, il y a de magnifique réflexion sur la vie, la liberté, avec lesquelles on peut d’ailleurs ne pas être d’accord, mais c’est passionnant, et encore une fois, c’est trop court tant ça se savoure sans fin. Probablement le plus beau témoignage sur la prostitution (en tout cas celle des années 70).