"No et moi" est avant tout un roman de Delphine de Vigan. Ce livre, c’est ma fille de 14 ans qui l’a lu. Elle l’a tant "kiffé" (comme disent les jeunes d’aujourd’hui), que lorsqu’elle a appris qu’il y avait eu une adaptation cinématographique, elle a longuement insisté pour le trouver. Me voici parti en quête du DVD, puis une fois le trésor convoité en main, nous l’avons visionné. Si certains dans leurs avis condamnent le manque de puissance émotionnelle par rapport au bouquin, d’autres ne connaissant pas l’œuvre littéraire ont trouvé le film puissant. Evidemment, une adaptation cinématographique reste une adaptation, et il est toujours difficile de retranscrire avec exactitude le contenu de plusieurs centaines de pages en une centaine de minutes seulement. Des choix s’imposent, et ce qui est gardé est compressé. A la fin du film, ma fille a conclu à ma grande surprise que l’œuvre de Zabou Breitman était cohérente par rapport au livre, et qu’elle permettait de mettre des images sur le roman. Cette réflexion, parfaitement sensée, est très juste car il est vrai que nous n’avons pas d’images en lisant un livre. Lors de la lecture, notre imagination est sollicitée : c’est ainsi qu’on se fait une idée sur les personnages, plus précisément sur leur physique, leur environnement, mais aussi sur l’importance des sentiments. En fait, tout dépend de la sensibilité de chacun. "No et moi" repose donc sur ce fameux roman éponyme, mais aussi sur la magnifique interprétation de Julie-Marie Parmentier (No) d’une part, de Nina Rodriguez (Lou) d’autre part, et également sur celle d’Antonin Chalon (Lucas), très intéressante. La mise en scène est sobre, sans jamais tomber dans le mélodrame, piège facile dans ce genre de sujet. En parlant de sujet, il est d’actualité et il y a fort à parier qu’il va y rester encore longtemps étant donné que le monde va mal
(ce que ne cesse de répéter le père de Lou, interprété par Bernard Campan)
, de plus en plus mal même. Il n’y a qu’à regarder autour de soi : le chômage augmente d’années en années, on pousse les jeunes à faire toujours plus d’études pour ceux qui ont la chance de pouvoir en faire, et quand ils les font, les voilà souvent trop qualifiés pour entrer dans le monde du travail. Alors quand ils sont mis à la porte par leurs propres parents… La précarité ne touche plus seulement les adultes jugés trop vieux pour retrouver un job, elle touche aussi les jeunes. Tout le monde et n’importe qui en somme. La bande son du film a un rendu absolument splendide : l’ambiance de la gare Austerlitz à Paris est très bien rendue, ainsi que celle de la rue. Les effets de résonance sont là, y compris dans l’appartement sommairement meublé. La musique, préexistante ou pas, accompagne bien le film. J’avoue avoir un gros faible pour la réorchestration au violoncelle de "Nothing else matters", la sublissime ballade du groupe Metallica, venant ainsi accompagner le moment le plus fort émotionnellement. La narration en voix off peut déranger au début, mais on s’en accommode très rapidement. Cela permet de ne pas trop laisser de côté ce que raconte le roman, mais cela permet aussi de démontrer à quel point peut turbiner le cerveau d’une gamine surdouée d’à peine 13 ans, presque aussi sensée que des adultes. Des moments de silence sont toutefois aménagés, et ils parlent d’eux-mêmes, accompagnés souvent de musiques aux consonances doucereusement rocky. Je ne regrette donc pas d’avoir découvert ce film, loin de là, approuvé qu’il a été par le Club300, dont je ne faisais pas encore partie. J’approuve à mon tour ce film solide de Zabou Breitman.
Et pour conclure mon avis, à la lecture des commentaires distillés par les internautes, j’ai constaté que certains regrettent qu’il ne se passe rien entre Lou et Lucas. Il est vrai qu’il y a une grande complicité entre ces deux personnages, alors qu’il a une petite copine, laquelle est laissée à l’écart de la prise en charge de No, ce qui a le don de provoquer en elle une certaine jalousie, à peine évoquée. Je dis qu’on s’en fout qu’il se passe quelque chose entre eux ou pas : c’est purement anecdotique et ce n’est pas ça qui change la donne quand la fin intervient.