Très bon film de Rodrigo Cortes (très prometteur, puisqu'il s'agit là de son premier ou deuxième long-métrage), dont l'idée est de jouer sur la simplicité et l'efficacité : en effet, Buried est l'immersion, filmée en temps réel à la manière de 24 heures chrono, pendant une heure trente donc, dans le calvaire de Paul Conroy (Ryan Reynolds), simple routier-transporteur en Irak, fait prisonnier dans un cercueil, et enterré sous le sable du désert, jusqu'à rançon versée. Quoiqu'on en dise, Cortes maintient le cap tout au long de son film, livrant là, si ce n'est une idée géniale, du moins une grande cohérence ; à la différence du plus récent 127 heures, Cortes se tient au huis-clos (on sent l'influence de La corde d'Hitchcock par exemple, joignant en même temps suspense, tension et liant), ne sort pas de la boîte-cercueil, n'utilise pas une seule fois (à part peut-être, diront les mauvaises langues, la toute fin, dans l'hallucination éclairée) le moyen des images mentales du protagoniste, des hallucinations, des souvenirs, des fantasmes, pour faire respirer et s'échapper son spectateur. Buried est de ce point de vue très réussi, presque un concept ; conséquences évidemment, c'est qu'en vidant ainsi son film de tout contenu psychique, de toute évasion spirituelle, Cortes prend le point de vue d'un éthologue, en posant sa caméra sur une sorte de comportement, davantage que sur un "homme" à part entière. On n'entre jamais "dans" Paul Conroy : si bien que Cortes livre là quelque chose de très intéressant : si en un sens le film s'en tient à l'intérieur du cercueil, il s'arrête aussi à la peau, à la surface, à l'extérieur de son seul personnage. En même temps que de l'intérieur, et que de l'extérieur. Buried est ainsi doublement borné : le monde, ce n'est que l'intérieur de la boîte, mais l'action est celle d'un homme montré dans toute son extériorité possible (il n'y a que de la peau et du mouvement, mais pas de psychologie). Le spectateur, par là, se trouve lui aussi pris au piège, doublement saisi, contraint à la claustrophobie.
On peut légitimement s'attendre (avant de voir le film, bien sûr) à un film monotone, à quelque chose qui ne vit pas comme un film type de cinéma, faisant se rencontrer des personnages, jouant sur l'espace et sur le temps... Seulement après le film, un tel jugement est quasiment impossible, tant Cortes use de talent pour rendre vivante sa caméra. C'est mobile, précis, incisif ; des angles de vue multiples, cernant chaque recoin du cercueil, s'allient à la lumière (portable ou briquet) jamais permanente, mais toujours fragile, variant d'intensité, pour créer une dynamique assez incroyable (on est quand même dans une boîte immobile et souterraine...). Le scénario joue pour beaucoup dans cette dynamique : on s'identifie vraiment, et on essaie de s'en sortir, comme lui, tentant de comprendre un peu comment sortir de la boîte, comme une obsession (c'est vrai que ce film est pesant, est tendu comme une corde : ici c'est le manque d'air, bien sûr, qui maintient un suspense de plus en plus suffocant ; et pour ça, Cortes insiste beaucoup sur les bruits du corps, les respirations difficiles...). Bref, pour donner un peu du scénar : Paul se retrouve dans la boîte avec un téléphone portable, pour joindre l'extérieur (c'est un point commun avec 127 heures : type d'une époque branchée, connectée avec les instruments technologiques). Alors évidemment ça fait un peu sot, comme ça, d'avoir un portable, on se dit qu'il va forcément s'en sortir, ou bien même que Buried va tomber dans l'ode à la technologie... Seulement, c'est bien plus complexe, bien plus rusé et stratégique, puisque ce sont les ravisseurs qui ont déposé le portable... Ca ressemble à du Old Boy par certains aspects, avec une vengeance contrôlée, calculée, exécutée, sanglante.
Bon ajoutons un mot sur l'efficacité de la chose, parce qu'à la fin, quand même, j'ai versé ma petite larme, oui oui. On suffoque, on veut respirer, on avale du sable, on croit sortir, on sort presque, on sort... (j'espère que je ne donne rien de la fin... enfin je m'en moque). Côté musique, rien du tout (mais c'est encore une fois très réfléchi), seulement à quelques rares moments des notes en fond pour soutenir un peu l'action, mais jamais de mélodie, pas d'échappatoire artistique (Cortes essaye vraiment de s'en tenir à la boîte, en usant avec répétition de bruits de boit, de bruits sourds, presque invincibles, répondant à la respiration hésitante du personnage). Et puis le film a quand même l'intelligence de ne pas prendre une position pro- ou anti-américaine ni pro ou anti-terroriste, il réfléchit quand même un peu la chose, bouscule un peu les évidences et les facilités... Si bien qu'il ne reste plus qu'un homme, pris dans tout un tas de saloperies (guerre, administration, entreprises, armée), s'évertuant à sauver sa peau.
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