Bon film de David Fincher (de toute façon peut-il faire une daube,c'est la question ; un mec qui a pondu Seven, Fight Club ne peut pas foncièrement être mauvais, et même si Zodiac, The game et Button étaient moins bons, ça restait très très correct), retraçant la naissance de Facebook, donc, par Marc Zuckerberg, comme chacun sait. Bref, le film passe en tous les cas à côté de tout un tas de clichés qu'on était en droit d'attendre (critique ressassante des réseaux sociaux pour leur atteinte à la vie privée par exemple, critique de cette intrusion sale -au sens intellectuel, bien entendu - dans la "vie des gens", critique de la "médiocrité" qui s'y expose en temps réel...), tout en en dessinant des esquisses, comme en pointillés : c'est-à-dire que le film ne tombe dans une critique de Facebook, tout en n'empêchant pas la possibilité de critiques à partir du film : donc position très réfléchie, et je pense très bonne, de la part de Fincher.
Du coup, le champ est libre pour traiter du vrai sujet, qui n'est pas moins réfléchi et philosophique d'ailleurs, celui de la naissance, de l'origine, du commencement. Et là, Fincher a bien choisi sa perspective, parce que c'est une vraie petite généalogie dont il s'agit là, avec deux axes principaux, qui se chevauchent, qui se mêlent les uns aux autres,de manière ultra-contrôlée :
- d'une part, le "génie", disons en tous les cas l'intelligence de Zuckerberg, le côté rationnel, qui marque véritablement l'acte de naissance de Facebook, au même titre qu'une invention (et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il s'agit bien là d'une invention dans la socialité virtuelle), avec sa date, ses coordonnées spatiotemporelles. En d'autres termes, cet axe est celui de la législation (le film insiste énormément là-dessus, puisqu'on revit la naissance de Facebook à travers un double procès contre Zuckerberg flash-backs). Premier axe, donc, si on veut, de la raison et du droit.
- d'autre part, toute la basse humanité qui entoure cet acte, les petites engeances, les manipulations, les jalousies, les traitrises, les petites puis très grosses puis énormissimes affaires de fric, les amitiés et inimitiés, les alliances, les exclusions... Bref, deuxième axe des passions humaines et de l'illégalisme.
Côté acteurs, c'est très bon aussi (mais, comme d'habitude, pas de bons acteurs sans bonne réalisation), notamment Jesse Eisenberg et Andrew Garfield, qui m'ont tous les deux bluffé, vraiment, rentrant à merveille dans les persos. Timberlake bon aussi, pas de fausse note (loul) ; faut dire que son perso est très vicieux, très mauvais dans l'âme, tout en étant très intelligent (très bon rôle,en somme, mais qui n'enlève rien à sa perf'). Les acteurs et actrices secondaires sont pas mauvais non plus. Bref, tout ça est extrêmement bien mis en valeur par Fincher, qui n'en met pas des caisses tout en sachant ajouter du punch à certains moments pour faire vivre ce Social network de la meilleure des manières. Un peu déçu, cela dit, par la bande son, mais l'essentiel est clairement ailleurs : dans les gros plans, dans les visages, dans les dialogues, autrement dit sur et dans les têtes (toujours cette dialectique entre intelligence/génie et corps/passions, ces deux couples qui sont trop déséquilibrés pour donner un résultat chiant à l'image). On peut regretter, cela dit, que le film tourne et finisse autour de cette opposition entre les deux couples, abandonnant le spectateur sur les actualisations répétées de manière obsessionnelle, par Mark, de la page Facebook de sa petite amie qui l'a plaqué, faisant de lui, de manière un peu simpliste, une sorte de salaud de geek pour toujours. Et puis, c'est un peu long à mon goût.
Bon film, donc, de Fincher, mais qui ne casse quand même pas la baraque... Zou, 15/20 (et de la part de quelqu'un qui n'a pas de compte Facebook, c'est forcément très objectif...).
Et bien sûr, toutes les critiques sur le Tching's cine :
http://tchingscine.over-blog.com/