La plupart des studios, pour trouver leur logo/mascotte, piochent dans leur propre filmographie. Si pour les films live les exemples sont peu nombreux (juste E.T. pour Amblin Entertainement me vient à l’esprit), c’est surtout vers l’animation qu’il faut chercher : Mickey pour Walt Disney Pictures (le personnage le plus emblématique de la firme), la lampe Luxo Jr. pour Pixar (premier court-métrage) et Totoro pour Ghibli. Ce studio japonais fondé par Hayao Miyazaki et Isao Takahata en 1985 et qui s’est seulement fait connaître à l’international en 1999 (via la sortie mondiale de Princesse Mononoké, qui avait déjà fait ses preuves au Japon en 1997). Une longue attente pour avoir enfin tous les long-métrages de ce studio, dont Mon voisin Totoro, celui à partir duquel Ghibli possède désormais une image à montrer à la face du monde. Un bijou de l’animation donc ?
Deux petites filles, Satsuki (Noriko Hidaka / Mélanie Laurent) et Mei (Chika Sakamoto / Marie-Charlotte Leclaire), viennent tout juste de s’installer dans leur nouvelle maison à la campagne, leur père Tatsuo (Shigesato Itoi / Thierry Ragueneau) ayant décidé de se rapprocher de l’hôpital où séjourne leur mère Yasuko (Sumi Shimamoto / Françoise Cadol), souffrant de la tuberculose. En explorant les alentours, Mei va découvrir que des créatures merveilleuses errent dans les parages. Dont Totoro, un gigantesque animal qui se trouve être l’esprit de la forêt. Dès lors, Mei ne va plus songer qu’à passer du temps avec lui et ses compagnons, tout en espérant le retour tant attendu de sa mère, qui ne fait qu’être repoussé au fil du temps.
Sur le papier, Mon voisin Totoro n’a scénaristiquement parlant rien de bien passionnant à raconter. Juste l’histoire d’une gamine de 4 ans qui ne pense qu’à faire mumuse avec une grosse peluche ambulante, aux pouvoirs magiques qui font rêver les plus jeunes. Et même question péripéties, le long-métrage de Miyazaki se montre avare : juste Satsuki cherchant désespérément sa petite sœur dans toute la campagne lors de la dernière partie du film. Sans oublier l’apparition de créatures mystérieuses dont on ne sait absolument rien (dont le fameux chat-bus). Mais en abordant ce scénario avec un autre regard (celui autre qu’un enfant ayant malheureusement grandi), Mon voisin Totoro nous offre toute une palette de thématiques (propres à Miyazaki) au combien matures et superbement traitées. Comme l’écologie entrevue par le personnage de Totoro (en même temps, il est désigné comme étant l’esprit de la forêt). Ou encore Satsuki qui, malgré ses 11 ans, fait preuve de responsabilité auprès de sa petite sœur Mei quand le film aborde la maladie de leur mère (le fait que le long-métrage oblige le jeune public à faire face à la dureté de la vraie vie), comme si la gamine était déjà sur le point de passer à l’âge adulte. D’ailleurs, en parlant de ça, Mon voisin Totoro se permet d’avoir un côté autobiographique, la mère de Miyazaki ayant également eue la tuberculose. Vous l’aurez compris, le script du dessin-animé pioche son charme du côté de sa maturité, qui fait oublier la simplicité de la trame de base.
Mais là où Mon voisin Totoro tire toute sa puissance émotionnelle (comme la majorité des films des studios Ghibli), c’est par son travail technique, d’une beauté indiscutable. Les dessins, sans l’ombre d’un doute, mais surtout l’ambiance qui lui a été concoctée. Qui s’arme de la somptueuse musique de Joe Hisaishi (compositeur attitré d’Hayao Miyazaki, qui s’occupa de la majorité de ses films) pour alterner entre esprit bon enfant et instants un peu plus adultes. Permettant ainsi à la magie et à la poésie d’opérer pendant 1h26 de pur bonheur visuel, qui n’oublie à aucun moment les détails humoristiques et sonores pour amuser petits et grands. Une atmosphère hautement féérique qui permet d’effacer les carences du script et d’apprécier certains personnages (encore une fois le chat-bus) pour ce qu’ils sont. De les adorer, même !
Hormis sa base scénaristique qui ne casse pas trois pattes à un canard (il faut bien le dire), Mon voisin Totoro n’en reste pas moins un véritable bijou de l’animation. Bien qu’il ait été conçu en même temps que le triste et non moins réussi Le Tombeau des Lucioles, Totoro mérite vraiment d’être l’emblème de Ghibli, étant carrément le porte-parole de tout ce que représente Miyazaki au cinéma international (pas que japonais) : un conteur d’histoire, un poète engagé, un faiseur de miracle, un tisseur de rêves. Vraiment dommage qu’il ait fallu attendre Princesse Mononoké pour découvrir ce dessin-animé (sorti du coup à l’international en 1999). Passer à côté d’un tel film relève presque du blasphème !