Danny Boyle est un réalisateur qu’on ne présente plus aux yeux du monde. Oscarisé, multipliant les œuvres dénonciatrices dans un divertissement spectaculaire. Ce grand metteur en scène au regard unique, transcende un simple fait divers en une exposition pure et simple de séquences cultes, de dialogues incisifs et de plans délicieux. Si l’on peut reprocher une certaine redondance dans le schéma du montage, il n’en est tout autre scénaristiquement. Jamais les personnages ne se perdent dans des dialogues désuets et sans intérêt. Au contraire, la force provocatrice, ravageuse de ce chef d’œuvre émane de la narration qui fait, à elle seule, tout le travail. Ewan McGregor est impeccable. Il joue l’auto dérision comme si sa carrière en dépendait…et justement, c’est ce rôle qui lui valut une partie de sa renommée actuelle. Le reste du casting s’en tire aussi bien, mettant en avant des protagonistes loufoques, sans état d’âme, confrontés à un univers qu’ils méprisent et qu’ils rendent au fur et à mesure méprisable. Tentant, furtivement, de justifier les lacunes des uns, les déboires des autres, en dehors de toute moralité, Danny Boyle livre un tableau, s’il en est jubilatoire sur la forme et admirablement balisé par des touches d’humour et de cynisme bien pensées, est tragique dans le fond. Une critique directe du système, où chacun est abandonné à son propre sort. Où chacun, pour s’en sortir, ne peut que se référer qu’à sa conscience. L’entraide ? On ne connait pas. L’amour ? Allons-donc, que dites-vous là. C’est une originale vision de l’humanité dans ses pires instants que l’immense Boyle nous propose avec « Trainspotting ». Musicalement, c’est boosté à l’adrénaline, si bien que l’on se prête souvent au jeu des seringues avec nos héros. Néanmoins, le cinéaste n’en oublie pas, dans son doigt d’honneur à la société, de ponctuer son œuvre de moments dérangeants et bouleversants. Dosé avec justesse, monté avec efficacité, narré avec une ironie dédaigneuse, « Trainspotting » est un culte. Le meilleur de Boyle ? Pourquoi pas, après tout ? Mais ce dernier ne se cantonne pas à un registre. Là où d’autres se contentent d’une œuvre polémique pour considérer leur carrière comme acquise avant de se muer dans une passivité soudaine, Danny Boyle, lui, renverse les codes dans chacune de ses réalisations. Mon opinion ? C’est un visionnaire. Et il me fait rêver, même dans les plus noirs desseins qu’il exprime. Chapeau.