Premier long métrage réalisé par David Lean (1942), en collaboration avec le dramaturge Noël Coward ( grand nom du théâtre de la période auquel la postérité a rendu un fervent hommage) on a ici affaire à un film de propagande pour soutenir l'effort de guerre.
Il ne faudrait surtout pas minorer l'importance du titre, ( le mot de propagande n'est pas, il est vrai, très incitatif ) , car c'est une grande réussite.
Le scénario se propose de décrire l'intensité du choc, le déchirement, l'impact psychologique que produisent l'entrée en guerre d'un pays sur les individus, les familles.
La représentation de ces drames humains, les séparations, la vie pour ceux qui restent à l'arrière ( bombardements, destructions du lieu d'habitation, même la mort) tous ces moments tragiques sont magnifiquement rendus.
La caméra ne s'arrête pas à une observation de ce qui se passe "à l'arrière" mais suit aussi les combattants ( ici des marins dont le bateau sera coulé lors d'une bataille navale).
On pourra relever la figure formidable du commandant de bord, véritable leader empathique soucieux de ses hommes, qui trouve les mots justes, humains, pour sceller l'adhésion volontaire au sein de son équipe.
Lean reprendra dans son opus suivant " heureux mortels", en couleurs cette fois, avec peut-être, un peu moins de brio, certains thèmes traités ici.
David Lean représente ( selon moi) un des angles morts de la critique hexagonale. B.Tavernier a beaucoup fait pour la réhabilitation du cinéaste en France ( au royaume uni, sa réputation n'est plus à faire) et je me range derrière le réalisateur de " coup de torchon" dans son choix esthétique.
On peut se demander pourquoi un metteur en scène du calibre de Lean ne trouva que rarement une adhésion dans une certaine partie de la critique française.
Il faut dire que le poids de Truffaut/critique a largement contribué à cette mauvaise réputation du cinéma anglais, peut-être pour hisser la place de Hitchcock au sommet du septième art britannique.
Il suffit de visionner un titre comme celui-ci, pour se convaincre du grand talent que possédait David Lean, ( il fut élevé dans la rigueur des quakers) et qui s'exprime dès son premier long métrage.
A l'image de " la nuit du chasseur" seul long métrage réalisé par Charles Laughton, " ceux qui servent en mer" fut aussi l'unique opus de Coward cinéaste. Malheureusement pour le spectateur.