Pour Gordon Douglas, RIO CONCHOS était le préféré des films qu’il a réalisé. Avec la scène d’ouverture le ton est donné : RIO CONCHOS n’est effectivement pas un western comme les autres. Le massacre, seulement bruité par le vent du désert et les coups de feu, surprend par sa sécheresse. Dès le générique, la musique de Jerry Goldsmith (une de ses meilleures) et la photo de l’immense Joe Mc Donald nous transpose dans une autre dimension : celle des très grands westerns.
A partir d’un argument des plus classique : il faut détruire un chargement de fusils derniers cris volé par d’anciens sudistes qui vont les fournir aux apaches pour massacrer les yankees, le scénario de Clair Huffaker et Joseph Landon déroule une histoire totalement inédite pour l’époque. Les héros, excepté pour le sergent noir (hommage à John Ford), sont des ordures. Dans l’ordre : un tueur sous l’emprise de la haine qui cherche à massacrer le plus possible d’apaches pour venger sa femme et sa petite fille qui furent torturées à mort, un mexicain amusant mais aussi habile tueur que sans scrupules et enfin un capitaine de la cavalerie (celui là même qui s’est fait voler les fusils) qui est uniquement guidé par l’arrivisme. Les codes habituels du western n’existent plus : exit la loi, l’honneur, la communauté, la propriété, etc...
Avant un final éblouissant et surréaliste (la façade à colonnade d’une maison sudiste inachevée) où le cinéma se confond avec la réalité (génial et distancié Edmond O’Brien qui regarde désabusé le rêve s’envoler et son décor partir en fumée) le film offre quelques morceaux d’anthologie. Dans l’ordre chronologique un gunfight avec des bandidos qui a peu d’équivalent dans le western, mais fait plutôt penser aux grands moments du chambara, suivi, un peu plus tard de la meilleure scène d’attaque apache à ce jour. Scène qui est un jalon clé du film. Lassiter découvre une femme agonisante laissée par les apaches et dont il abrégera les souffrances le persuadant du bien fondé de la mission à savoir : un moyen de faire une vrai boucherie des indiens. La prisonnière apache, à la mort du bébé, sentira toutes les vies et toutes les morts et ce changement justifie son retournement, devenant un personnage symbolique, ce qui permet d’échapper à l’histoire d’amour entre l’officier et la belle indienne (unique à ma connaissance).
Orson Welles avait pour habitude de rappeler que les films sont faits pour les acteurs. A ce titre le casting est un sans faute. Richard Boone interprète parfaitement ce salaud et son évolution vers plus d’humanité et de respect (grand moment lorsqu’il demande à Jim Brown de lui apporter son cheval), Stuart Withman incarne parfaitement l’arriviste incapable, la vrai tête à claque du film, Tony Franciosa, à contre emploi, qui interprète le seul « comique » du film, est une ordure sans scrupules (et pourtant Lassiter à de l’affection pour lui), Jim Brown (star du Foot US qu’il vient de quitter au sommet pour son premier rôle à l’écran) offre une conviction certaine à un personnage qui est le plus fort du film, Wende Wagner (dont c’est également la première apparition à l’écran), d’origine indienne fait nettement plus authentique que les stars hollywoodiennes bricolées, Edmond O’Brien déjà cité plus haut et enfin Rodolfo Acosta en chef apache, présenté comme un double de Lassiter, prouvant le respect que la réalisation accorde aux indiens (comme dans tous les films de Gordon Douglas).
Nous sommes en 1964 et RIO CONCHOS, un des films les plus sous estimé du cinéma, est un chef d’œuvre qui par sa grandeur et sa sécheresse ouvre la voie au WILD BUNCH de Peckinpah.