(...) Sayles a toujours essayé de faire passer ses idées dans ses films, il est animé par une conscience politique fortement ancrée à gauche mais c'est aussi un progressiste, un homme qui se pose des questions et qui ne donne pas des réponses toutes faites. Il s'interroge, il questionne notre société, notre monde et il ne porte pas de jugement moral quand bien même c'est un humaniste. Mais la question du racisme et du notre rapport à l'Histoire n'est pas la seule thématique du film qui traite aussi de quelque chose de plus commun au cinéma US : celui de notre rapport au père. En effet, "Lone star" est aussi le portrait de fils et de pères qui ne se sont pas trouvés et qui sont écrasés par des figures imposantes. Chris d'abord est complètement écrasé par la figure de Buddy, véritable légende du comté, un homme droit et respecté par tous, dans toutes les communautés. Une vision angélique que Chris réprouve de manière violente. En cherchant à confondre le coupable, il cherche surtout à salir l'image de son père, une figure écrasante qu'il a cherché à fuir et qui a ruiné sa vie. Son enquête est presque à charge contre ce dernier, mort depuis plusieurs années dans le film et campé par un Matthew McConaughey assez sobre dans une poignée de scènes. Cette figure paternelle, on la retrouve aussi dans un autre personnage central du film, celui d'Otis. (...) D'une manière générale, les acteurs sont très bons dans le film et ils sont bien aidés par un scénario riche, d'une belle densité et brossant le portrait de personnages intéressants, parfois torturés mais surtout complexes et terriblement humains. L'intrigue est menée avec beaucoup de savoir-faire, le suspense reste entier jusqu'au bout et les personnages font réellement avancer l'intrigue tout en évoluant eux-mêmes. La nomination pour l'Oscar du meilleur original (la 2nde pour John Sayles après "Passion fish" en 1993) n'est clairement pas usurpée et c'est même un joyau du genre. En fait, ce qui m'a le plus surpris dans "Lone star", c'est l'extrême discrétion de la mise en scène. D'une manière générale, j'aime bien les beaux mouvements d'appareils, les images bien composées et les lumières d'une beauté renversante. Il n'y pas vraiment de ça dans le film mais l'art de John Sayles est ailleurs. Le cinéaste n'a pas un style ostentatoire, bien au contraire, mais je dirais que son découpage est d'une belle évidence. Rien n'est en trop, rien n'est souligné mais tout est dit d'une manière très tranquille. Ce classicisme pourrait sans doute jouer contre le film mais le rythme est agréable, les deux heures et quelques passent très vite et on est pris dans le tourbillon de l'intrigue. Il faut dire que le cinéaste soigne vraiment ses transitions passé/présent avec là, par contre, des beaux mouvements de caméra et des effets de montage fluides, avec à chaque fois, une vraie virtuosité. (...) Les qualités du film sont pourtant évidentes et son message reste toujours d'actualité. Sa richesse narrative mais aussi ses thématiques sont toujours aussi intéressantes et passionnantes, les acteurs sont magnifiques, le scénario est le fruit d'un travail d'orfèvre et la mise en scène est magnifique, composant un film à la croisée du western, du film policier mais aussi de la fresque humaniste. Une pépite, une rareté, un chef d'oeuvre, un vrai. La critique complète ici