Au bout du troisième volet on pensait qu'on en aurait marre de voir Tom Cruise courir le 100m dans toutes les villes du monde. Pourtant le voilà de retour dans ce protocole fantôme, plus en forme que jamais. Je ne suis pas un grand passionné de la saga Mission Impossible et ne l'ai jamais été, si bien que je ne garde aucun souvenir des trois premiers films. Cela dit, j'ai toujours pris plaisir à voir ce qui fait la beauté de ces films, cette débauche d'énergie et cette minutie dans l'organisation des diverses missions. Comme le précise le titre, tout ce qui se déroule sous nos yeux nous paraît bien improbable et surréaliste, mais c'est aussi la marque de fabrique de la série : pousser les limites de l'être humain au-delà du possible pour nous faire rêve tranquillement installés sur notre fauteuil. Et en cela, Brad Bird n'est pas loin de réaliser un sans fautes.
Si on outrepasse une intro loin de rester mémorable, avec un Josh Holloway visiblement incapable de comprendre ce qu'il fout là, dès qu'on retrouve le visage tant attendu d'Ethan Hunt (le réalisateur jouant sur cette attente avec brio) le film prend son élan et s'élance pour ne plus jamais retomber, ou presque. Tout va très vite dans ces premières minutes, on pourrait dire trop vite car les informations nous sont un peu balancées de manière indigeste, mais peu importe, on prend un plaisir fou à voir ce qui se dessine sous nos yeux comme l'affrontement le plus épique jamais proposé, nos héros jouant des sortes d'arbitres pacifiques d'une guerre froide sur le point d'éclater... Bref, ça va se cogner sur la gueule sévère et c'est ce qu'on aime.
Là où le film frappe fort, c'est qu'après une mise en jambes efficace dans le Kremlin, il passe à la vitesse supérieure, laissant nos personnages livrés à eux-mêmes. Comme si c'était trop facile jusque là, tout se corse et tout repose de plus en plus sur leurs choix plutôt que sur leurs actions, comme s'ils devaient être à la fois les pions de l'échiquier et l'echéquiste. Les complications s'enchaînent et c'est un régal de voir comment leurs intuitions et leurs coups de poker les aident à avancer dans ce qui devient une course contre la montre haletante, où le moindre faux pas anéantit tout espoir ; avant qu'une nouvelle idée salvatrice ne survienne, bien entendu.
La réalisation suit cette avancée en eaux troubles avec légèreté, laissant l'impression de survoler l'action auprès des personnages, nous mettant dans une position de privilégiés où l'on admire les coups, les sauts, les balles qui fusent, avec un sourire de gosse. Sourire qui reste présent même quand le ton du film est plus calme, puisque les dialogues sont plein d'humour, donnant lieu à des échanges savoureux. J'ai été moins séduit par tout l'aspect plus dramatique des personnages, car, si c'est intéressant pour Ethan, ça devient carrément superflu pour Jane Carter. Quoiqu'il en soit c'est une caméra survoltée qui nous fait vivre une séquence à Dubaï grandiose, où l'ingéniosité va de paire avec le fantasme visuel, constituant véritablement le pic du film ; on retrouve en effet dans cette tour un certain air du début du premier volet, qui nous laisse le souffle coupé pendant plusieurs minutes ; le summum de la haute voltige.
Et cette séquence d'une qualité irréprochable va finalement être la source d'autres regrets, plus tard, car le film n'arrive pas à garder ce rythme et baisse en intensité, pour une dernière partie de film que je juge assez pataude et beaucoup moins inventive que ce qu'on a vu jusque là. C'est le revers de la médaille, mais malgré cette déception passagère, difficile de contester quoique ce soit au coup d'essai de Brad Bird, qui à mon sens fait perdurer la magie de la saga sans lourdeurs, capable de préserver sa base de fans et d'en attirer des nouveaux. On est dans ce qui se fait de mieux en terme d'action pure, et donc malgré les énormes incohérences scénaristiques on passe outre sans problème pour apprécier le film tel qu'il est. Tom Cruise est toujours aussi en forme et Simon Pegg et Jeremey Renner apportent une vraie valeur ajoutée. J'ai été un peu plus sceptique concernant Paula Patton mais sa plastique de rêve contrebalance bien. Et puis c'est aussi une agréable surprise que de retrouver Léa Seydoux dans un rôle qui lui va à merveille – même si sa dernière scène est presque aussi ridicule que celle de Marion Cotillard dans Dark Knight Rises –.
En définitive, les passionnés continueront d'aduler ce qui reste une saga mythique des deux dernières décennies, tandis que ceux qui n'ont jamais accrochés continueront de rester impassibles devant ce spectacle audio-visuel de tous les instants. Je me situe entre les deux, et je dois quand même avouer que ce film m'a beaucoup plu, plus que je ne l'aurais pensé, bien qu'il me semble évident que dans quelques semaines j'en aurais déjà oublié le contenu ; c'est pourquoi j'étais parti sur un 7 avant de me rétracter et de mettre un 6 : je prends les devants, comme le bon vieux Tom.