Le cinéma de Greenaway est à la fois une reflexion sur l'art et une tentative de créer une nouvelle forme d'art. Avec ce film, il poursuit ses expérimentations. Il allie la sophistication de l'image à celle de l'intrigue. Provocateur, un peu prétentieux, le cinéaste est un novateur qui est cependant guetté par la routine d'un cinéma éternellement expérimental. Le scénario de "The Pillow book", inspiré des "Livres de chevets de Sei Shonagun", a pour héroïne une jeune femme japonaise qui pratique la calligraphie sur le corps de ses amants. Elle l'écrit chapître après chapître, chacun sur un corps différent. Outre que cette pratique peu orthodoxe est une élucubration digne de l'extravagance du cinéaste, elle cache des motivations bien plus terre à terre. Elle est destinée à imposer le roman de la jeune fille à un éditeur homosexuel qui l'avait refusé dans un premier temps, et sert en même temps d'instrument de vengeance... Commencé sur le mode de la biographie stylisée, le film se transforme en polar macabre au fur à mesure que se concrétisent les chapîtres du livre. Si l'intrigue est déroutante, que dire de la mise en scène ? Le foisonnement d'images et de sons ne ménage aucune pause. En particulier lorsque des fenêtres-écrans de tailles diverse apparaissent, comme pour compléter l'action qui se déroule sur l'écran principal. Un procédé qu'on imagine laborieux, encombrant, et qui se révèle finalement très sensuel. Il faut dire que Greenaway est un maître de la composition plastique et des jeux de l'esprit. Peintre sensuel étonnant, parfaitement à l'aise pour filmer les corps nus et les ébats amoureux, il met en éveil tous les sens du spectateur. Même menacé par la gratuité du procédé, il évite en partie ce travers en sappuyant sur un découpage original qui alterne le récit et les scènes de calligraphie. Il retrouve par ailleurs son goût des listes qui donne au film un aspect ludique.