Je connaissais Bartas que de nom avant de voir ce film et si j'avais su ce que c'était et ce qu'était son cinéma j'aurais regardé ses films beaucoup plus tôt.
Il y a ici tout ce que j'aime à savoir une histoire à peine esquissée, une intrigue donc réduite à son minimum, des longs plans fixes sur la nature, sur les gens... La beauté des cadres permet de maintenir le rythme malgré l'absence dialogues, malgré l'absence de paroles et le quasi silence qui règle dans le film. Le fait que ça soit filmé en 4:3 permet de se rapprocher des personnages même si l'on ne sait rien d'eux et de donner aux montagnes, aux cabanes, aux rivières, à la forêt un air presque commun. On n'est pas là pour admirer la nature, la nature fait partie du quotidien. Rarement les montagnes sont en entier dans le cadre, elles sont juste le décor magnifique du drame humain qui se déroule sous nos yeux.
Nous avons donc une femme dont on ne sait rien qui débarque en hélicoptère dans un village reculé de ce que l'on comprend être la Sibérie. Cette femme est jeune, belle, le regard sévère, et son visage lisse et blanc contraste avec la couleur, les plis des autochtones. On ne sait pas ce qu'elle vient faire dans ce village, elle ne dit rien, elle observe, elle semble capter tous les regards, mais également catalyser la violence.
On est loin d'un autre film tourné en Sibérie que j'adore à savoir Happy People de Werner Herzog. Bartas avec son film de fiction arrière à être moins spectaculaire, moins romantique et arrive à ne jamais rien sublimer, à toujours filmer la beauté dans la médiocrité du quotidien, dans ses moments pourtant les plus malsain. Je pense à cette fête, on joue de l'accordéon, le dispositif est on ne peut plus minimaliste, quelques personnages sont là, ainsi que cette fille... on sent que ces gens ne s'amusent jamais vraiment, que ce n'est pas une fête heureuse et forcément elle tourne mal comme si ces gens ne pouvaient pas accéder au bonheur, comme si la tension allait forcément naître quoiqu'il se passe.
Mais le plus envoûtant tout en étant tristement réaliste reste tous ces plans en extérieur où l'on voit les gens lentement se déplacer dans la rivière, dans la boue, dans la neige montrant ainsi la difficulté du simple fait de se déplacer dans ce paysage pourtant si beau. Ces longs plans fixes rythment eux aussi le film. Ils sont beaux, simples et montrent finalement le quotidien de ces gens pour qui le renne est encore un moyen de locomotion, notamment pour porter des bagages.
Et c'est là où Bartas a très bien géré son film, en ouvrant son film avec quelques plans d'une zone industrialisée, avec les plans pris à l'hélicoptère on comprend, sans rien dire, que ça se passe à notre époque, qu'il ne s'agit pas là d'une reconstitution, mais qu'on regarde bien, au travers d'une fiction quelque chose de très proche du quotidien de ces gens.
Bref, un ravissement de chaque instant.