L’UNITÉ : Ou comment contrer une oppression atroce, irrépressible de violence, abusive jusque dans ses fondations, colosse énorme de fer et d'acier. « Les révoltés de l'île du diable », c'est large parabole sur les régimes dictatoriaux, la répression, l'abus, le pouvoir, l'excès, les sociétés humaines pour faire vite. Car le pouvoir, ce « bourreau sans merci » pour plagier Baudelaire, est en relation étroite avec l'Homme ou les Hommes qui le détiennent ( pas seulement évidemment ; le pouvoir étant de base nocif ) : et ainsi le médiocre crée le médiocre ( quel plus bel exemple que notre France actuelle ? ), le monstrueux s'associe au monstrueux, l'île nous le montre bien. Que reste t-il alors à l'oppressé si ce n'est ce même pouvoir à conquérir ? Mais enfin comment ne plus devenir oppressé tout en se détachant de l'attrait de l'oppresseur, la tentation ? Le pouvoir, peut-être plus que ça, le besoin de soumettre autrui, est le but ultime de chaque homme ( la minuscule semble de rigueur ). Et finalement, ce sont des tas de réflexions s'entrechassant qui se mêlent dans nos esprits ; chacun y trouvera son compte et nous ne sommes pas ici pour jouer avec la prolixité des mots... Pour le film, l'aspect cinéma disons, ce qui frappe, c'est d'abord la froideur stricte et implacable de mise en scène, les paysages glacées, l'ambiance lourde, prête à frapper, la neige omniprésente comme pour confiner l'être à l'intérieur de l'île, à l'intérieur de rien, le châtiment latent, l'enclume suspendue sur la moindre faute, le moindre pas hors des limites de la folie raisonnée des gardiens. Il y a ensuite un jeu habile, fait de sous-entendus, de regards discrets, de tensions musculaires, de gestes, d'actions furtives, qui rend parfois le tension insoutenable ; là on s'approche en quelque sorte du thriller. Et puis, surtout, au-delà de tout, si il faut retenir une seule chose, c'est cette amitié qui unie les deux détenus ( puis tous ), à toute épreuve bien que jamais évoquée, cette pudeur masculine et cette force, ce vouloir de combattre, de survivre ensemble même si dans certaines jours calmes et blafards, la glace se brise et désunit jusqu'aux plus braves d'entre nous. Hélas, il sera toujours temps de n'être jamais libre.